ÉCOLE DES PONTS PARISTECH
SUPAERO (ISAE), ENSTA PARISTECH,
TELECOM PARISTECH, MINES PARISTECH,
MINES DE SAINT--ETIENNE, MINES DE NANCY,
TELECOM BRETAGNE, ENSAE PARISTECH (FILIÈRE MP)
ÉCOLE POLYTECHNIQUE (FILIÈRE TSI)
CONCOURS D'ADMISSION 2015
SECONDE EPREUVE DE PHYSIQUE
Filière MP
(Durée de l'épreuve: 3 heures)
L'usage de la calculatrice est autorisé
Sujet mis a disposition des concours : Cycle international, ENSTIM, TELECOM
INT, TPE--EIVP
Les candidats sont priés de mentionner de façon apparente sur la première page
de la copie :
PHYSIQUE Il -- MP.
L'énonce' de cette épreuve comporte 8 pages.
-- Si, au cours de l'épreuve, un candidat repère ce qui lui semble être une
erreur d'énoncé, il est invité à le
signaler sur sa copie et à poursuivre sa composition en expliquant les raisons
des initiatives qu'il aura
été amené à prendre.
-- Il ne faudra pas hésiter à formuler les commentaires (incluant des
considérations numériques) qui vous
sembleront pertinents, même lorsque l'énoncé ne le demande pas explicitement.
Le barème tiendra
compte de ces initiatives ainsi que des qualités de rédaction de la copie.
NATURE DE LA GRAVITATION
Un aspect fondamental de la gravitation est le principe d'équivalence.
Introduit par GALILÉE au
début du XVIIEUR siècle alors qu'il étudiait la chute des corps, il fut le
point de départ du développement
de la théorie de la gravitation. Un peu moins d'un siècle plus tard, NEWTON fut
le premier à décrire
l'interaction gravitationnelle par une formule. Il en déduisit la version la
plus élémentaire du << principe d'équivalence faible >> : la trajectoire d'un corps tombant en chute libre ne
dépend ni de sa structure,
ni de sa composition.
Si l'on sait aujourd'hui que la gravitation régit la dynamique des composantes
de l'Univers (planètes,
étoiles, galaxies, ..), l'observation récente de l'expansion de l'Univers a
conduit a se poser des questions
fondamentales sur les théories de la gravitation classique. L'introduction dans
la théorie cosmologique
de l'énergie noire, qui serait la contribution énergétique majoritaire de
l'Univers, permet d'expliquer
certaines observations mais sa nature et ses propriétés restent principalement
théoriques. Certaines
extensions de la théorie de la gravitation suggèrent même l'existence d'une
répulsion gravitationnelle
entre matière et antimatière, nommée antigravité.
La première partie propose une description de l'expérience d'EÔTVÔS ayant
permis, dès la fin du
XIX6 siècle, de valider une version réduite du principe d'équivalence avec une
grande précision pour
l'époque. La seconde partie remet en cause le principe d'équivalence et propose
une retouche des lois
de NEWTON sur la gravitation universelle. La dernière partie s'intéresse au
projet GBAR proposant de
peser l'antimatière.
Les parties 1, H et III sont indépendantes entre elles. On notera i le nombre
complexe tel que i2 = --1.
Les données numériques et un formulaire sont rassemblés en fin d'épreuve. Les
vecteurs sont repérés
par une flèche (17) ou par un chapeau s'ils sont unitaires (HÜæH : 1).
I. -- L'expérience d'EÔTVÔS
Ü 1 -- Qu'appelle--t--on << principe d'inertie >> en mécanique? Enoncer le
principe fondamental de
la mécanique dans un référentiel galiléen. La grandeur caractéristique du
mobile étudié dans cette
expression porte, ici et dans la suite, le nom de masse inerte in,-.
Nature de la gravitation
Ü 2 -- Expliciter la force de gravitation entre deux points matériels. On
introduira le paramétrage
nécessaire sur un schéma. La grandeur caractéristique du mobile intervenant
dans cette expression
porte le nom de masse grave ou masse pesante.
Quantifier les déviations possibles au principe d'équivalence faible suppose
que l'on puisse considérer les
masses inertielle m,- et grave (ou pesante) m comme pouvant être différentes.
Les premières mesures
précises des écarts relatifs entre masses inertielle et grave, ont été obtenues
par comparaison des
périodes de deux pendules simples de masse et de composition différentes; cette
méthode, d'abord
décrite par GALILÉE, a été menée par NEWTON (1686) ou encore BESSEL (1826) et a
conduit a des
valeurs d'écarts relatifs compris entre 10_3 et 10--5. L'invention du pendule
de torsion par EÔTVÔS
autour de 1888, permit d'augmenter fortement la sensibilité.
I.A. -- Mesure du coefficient de torsion du pendule
L'expérience d'EÔTVÔS utilise un pendule de torsion. Dans le dispositif
simplifié, représenté sur la
figure 1, deux sphères appelées S1 et S2, homogènes de nature différente et de
même masse pesante
m ont leurs centres d'inertie placés aux extrémités d'une barre rigide, de
masse M et de longueur
2L, suspendue en son centre a un fil de quartz très fin, de constante de
torsion C. On note m,,et
m,, les masses inertielles respectives de S1 et de S2. La barre est libre de
tourner autour de l'axe
Oz en tordant plus ou moins le ruban de suspension. On suppose que la barre
reste tout le temps de
l'expérience dans le plan orthogonal à l'axe Oz.
î ÀZ Le dispositif est placé de sorte qu'à l'équilibre, la
barre soit normale au plan méridien a la latitude
%-- _ Fil de torsion
À. Sa position est alors repérée par réflexion d'un
faisceau lumineux sur un miroir plan, fixé au milieu
de la barre, à l'aide d'une lunette.
©1
On note % le référentiel du laboratoire centré sur 0
. Est/ et supposé galtle'en dans cette sous-partie où l'Ob--
Miroir Û\\ jectif est la détermination de la constante de tor--
mi1 '-_ "'...\..__ sion C du pendule.
S1 / Ouest \. % On note JO le moment d'inertie de la barre par rap--
"_ \' Détecteur port à l'axe vertical (Oz) et J le moment d'iner--
Source À tie du système S : {barre + sphères} par rapport
lumineuse a (Oz). On repère la position de la barre a l'ins--
FIG. 1 _ Dispositif d'EÔTVÔS tant t par l'angle de torsion 9(t). On fait
tourner le
système d'un angle @... puis on le lâche sans vitesse
initiale. Le fil exerce alors sur la barre un couple de rappel dont le moment
en 0 a pour intensité
M0 = --C(9(t) -- Hg) , l'angle 90 repère la position de la barre en l'absence
de torsion.
Ü 3 -- Montrer que ce couple dérive d'une énergie potentielle que l'on
déterminera. En déduire
l'énergie potentielle Ep,S de S en fonction de C et 9 -- 90, on choisira Ep
(Hg) : 0. Déterminer l'énergie
cinétique Bas du solide S. En déduire l'expression de l'énergie mécanique de S
en fonction de C , J,
9 90 et 9 = d--9.
' dt
Ü 4 -- On fait l'hypothèse que la puissance totale des forces de frottement
peut se mettre sous la
forme Pf...t : --a92 où oz est une constante positive. Etablir l'équation
différentielle vérifiée par 9(t).
Ü 5 -- On observe des oscillations très faiblement amorties. Quelle est la
condition satisfaite par les
constantes J, C et or? Préciser la forme de la solution sans déterminer
l'expression exacte des deux
constantes d'intégration. Quelle est la valeur 900 de 9(t) lorsque t --> oo.
Exprimer la pseudo-période
T du mouvement en fonction de la période propre T0 et de la constante e =
2j'ÏÏ--C << 1. A quelle condition sur e, l'erreur relative introduite par l'approximation T : TO est--elle inférieure à 1% ? Cette condition sera supposée vérifiée par la suite. Page 2/8 Physique Il, année 2015 -- filière MP On note J1 les moments d'inertie, considérés égaux, de chacune des deux sphères par rapport à l'axe vertical passant par leurs centres respectifs. On admettra que si le principe d'équivalence faible s'applique alors J = J 0 --|-- 2.11 --|-- 2mL2. On mesure la période T des oscillations pour différentes valeurs de la longueur L avec des sphères de masse pesante m = O, 2kg. Les résultats sont consignés dans le tableau ci--dessous : .l 6 -- En utilisant les résultats précédents, écrire la relation entre T2, L2, J @, J1, m et C . À partir des résultats de mesure donner une estimation de la valeur de la constante de torsion C . Compte--tenu des ordres de grandeurs des différents termes intervenant dans l'expression de T montrer que l'on peut écrire m % ----. 87r2 L2 I.B. -- Résultats et précision de l'expérience Dans cette sous--partie le référentiel % du laboratoire centré sur 0 n'est plus supposé galiléen. et l'on prend en compte les éventuels effets de la rotation de la terre sur les masses inertes fm,--1 et fm,--2 @ priori différentes des deux sphères. On se place donc dans le référentiel %t attaché au centre de gravité G de la terre supposé galiléen. , _, A La terre est supposée en rotation uniforme a la vitesse @} (de norme cut) : wt u" autour de l'axe terrestre et le point 0 se trouve a la latitude À. Une vue l9> A\bA ® en coupe de la situation est représentée sur la figure 2.
:ËË "À 0 uZ L'ensemble constitué du pendule et du système optique est solidaire
ËË " d'une plateforme. Lors d'une première mesure dans la configuration de
là / la figure 1, on relève une valeur 9001 pour l'équilibre du pendule. On fait
53 Méridien alors tourner la plateforme d'un angle 7r afin d'inverser les
positions des
É terreStre deux sphères, et l'on répète la mesure. On relève une valeur 9002
pour
G R,, l'équilibre du pendule dans cette nouvelle configuration.
_| 7 -- Déterminer les composantes des forces d'inertie d'entraînement
FIG- 2 _ Vue en coupe subies par mil et fm,--2 dans la base (ûz,ûp, %) en
fonction de À, L, cut,
Rt, mil ou fm,--2.
.I 8 -- En exploitant le théorème du moment cinétique à l'équilibre, déterminer
l'écart angulaire
AH = 9001 -- 9002 entre les deux expériences en fonction de À, C, L, cut, Rt,
fm,--1 et fm,--2.
.l 9 -- La lunette utilisée pour la mesure permet de détecter une déviation du
faisceau lumineux
de l'ordre de 1,0mm a 2,0m de distance. En utilisant l'expression de m trouvée
à la question 6,
déterminer la précision de la méthode en estimant le rapport 5... = .... On
donne A = 45° et
m
L =6,0cm.
J 10 -- La déviation observée est nulle. Que déduire de ce résultat ?
FIN DE LA PARTIE I
II. -- Corriger la gravitation universelle classique ?
Leurs observations ne concordant pas avec les modèles classiques de la
physique, les astronomes ont
deux solutions : soit ils rajoutent arbitrairement au cosmos un ingrédient, une
matière invisible qui
permet de justifier les anomalies détectées, soit ils modifient les lois.
Si dans leur très grande majorité, les physiciens ont, depuis 1930, privilégié
la première voie, il apparaît
aujourd'hui que l'imperceptibilité persistante de cette matière noire devient
gênante.
Après avoir mis en évidence certaines des observations qui ont conduit
plusieurs astronomes a s'inter--
roger sur l'existence d'une matière noire invisible, nous aborderons quelques
aspects de la théorie de
la gravitation modifiée par M. MILGROM.
Page 3/8 Tournez la page S.V.P.
Nature de la gravitation
II.A. -- Gravitation newtonienne, matière noire
Depuis plus de 50 ans les astrophysiciens comparent la quantité de matière
visible dans les galaxies
spirales, comme notre Voie Lactée, a celle qui est nécessaire pour expliquer la
vitesse de rotation des
étoiles dans ces mêmes galaxies.
Une galaxie est assimilable à une distribution spatiale @ de matière de masse
volumique p créant un
champ gravitationnel supposé statique P qui satisfait aux équations locales
suivantes :
divP : --47TG,0 et rdtP : (Î (1)
La force de gravitation exercée par cette galaxie sur un point matériel M de
masse m s'exprime alors
selon la relation F : mP.
Ü 11 -- Citer deux équations analogues aux équations (1) en électrostatique.
Peut-on, de la même
façon, proposer une analogie avec la magnétostatique? On définit le potentiel
gravitationnel çb(M )
au point M, analogue du potentiel V(M ) en électrostatique. Démontrer avec soin
que le potentiel
gravitationnel çb(M ) satisfait à une équation de Poisson relative à la
gravitation.
On considère un système EUR? a répartition sphérique de masse centré sur un
point 0 fixe : l'ensemble
(0, EUR? ) permet de définir un référentiel galiléen. En un point M de ce
système, la densité volumique
de masse ,a : p(M ) et le potentiel gravitationnel çb : çb(M ) ne sont des
fonctions que de la seule
. _, % . ,
variable r : HrH : HOM ||. On suppose qu'un pomt M de masse m contenue dans
EUR? n'evolue que sous
l'action du champ de gravitation créé par EUR? . Pour des raisons physiques
évidentes la fonction p(r) est
décroissante et la fonction çb(r) croissante.
Ü 12 -- Exprimer la force de gravitation Ë' subie par M en fonction de m, % et
d'un vecteur
unitaire que l'on précisera. Montrer que le mouvement de M s'effectue dans un
plan. On considère les
coordonnées polaires (r, 9) dans ce plan. Que représente la quantité r29 ?
Ü 13 -- On appelle vitesse circulaire Üc(r) dans EUR? , la vitesse qu'aurait le
point M s'il était en orbite
circulaire de rayon r dans EUR? . Exprimer Üc(r) en fonction de r, % et %.
Du point de vue dynamique, on peut a priori considérer que notre galaxie, la
voie lactée de masse visible
M9, est un système dont la masse est répartie de facon sphérique et constitué
de trois composantes
principales : un bulbe massif, un disque et un halo stellaire. Dans ce modèle,
dit keplerien, le bulbe
est assimilable à un point de masse Mb % Mg et chaque étoile de masse m du
disque évolue dans le
potentiel gravitationnel çb(r) : --GîÆb
crée par le bulbe uniquement.
Ü 14 -- Déterminer, dans ce modèle, l'expression de la vitesse circulaire dans
la voie lactée en
fonction de G, Mb, r et %. Pourquoi ce modèle est--il qualifié de keplerien?
300A k _1
vc(T) [ m's ] En réalité, la répartition des vitesses circulaires
Bulbe . presente la meme allure dans toutes les galaxies sp1--
I. Sole1l rales comme la V01e Lactee. Les observations dans le
250 _ cas de la Voie Lactée sont reportées sur la figure 3.
Ü 15 -- Que peut--on dire de l'évolution de UC : HUÊH
en dehors du bulbe? Le modèle keplerien est--il va--
220 4
lable?
200- .. . . . .
En plus de la matiere mszble, on cons1dere une
répartition de masse invisible (noire) selon la densité
volumique de masse suivante :
7" [km] 0
1500 2' 4 6 810 12 1416> p(7«)=_0
râ + r2
FIG. 3 -- Vitesse circulaire dans la voie lactée
Page 4/8
Physique Il, année 2015 -- filière MP
Ü 16 -- En utilisant l'équation de Poisson relative a la gravitation (obtenue a
la question 11) en
symétrie sphérique, montrer que la prise en compte de cette matière noire
permet de rendre compte
de la courbe de vitesse observée. On fixera la valeur CO en unités de masse
solaire (MQ) et de parsec
(pc) pour une bonne adéquation avec la valeur de vitesse observée et on
interprètera la constante ro.
On rappelle que
f" 5132 7"
/ 2--2da: : r -- ro arctan -- .
0 r0-+:r ro
Ü 17 -- Estimer la masse minimale de ce halo de matière noire en considérant
que ce dernier s'étend
sur l'ensemble de la galaxie dont le rayon est de l'ordre de Rd = 30 kpc.
Commenter ce résultat sachant
que la masse visible de notre galaxie est de l'ordre de 1010M@.
II.B. -- Gravitation modifiée
Face a la situation décrite dans la section II.A, M. MILGROM propose, en 1983,
de modifier les
lois de Newton de la gravitation afin d'expliquer pourquoi, en périphérie des
galaxies, les étoiles
tournent plus vite que la loi classique ne le laisse supposer. Dans cette
théorie phénoménologique,
baptisée MOND (acronyme anglais de dynamique newtonienne modifiée), la
gravitation se mettrait a
décroître beaucoup moins rapidement que prévu par la théorie newtonienne dans
le régime des faibles
accélérations en deçà d'un certain seuil que l'on se propose d'évaluer.
Dans cette théorie de la gravitation modifiée le potentiel de gravitation
vérifie une équation de Poisson
modifiée qui s'écrit
div (u (u) gradgbm) : 47TGp (2)
_, 2
où ,a est un champ scalaire de la variable réduite sans dimension u : al2
(gradgb...) caractérisant la
0
théorie et dont le comportement est le suivant
MOEN{Ja $u<1 _ K sinon Ü 18 -- Quelle est la dimension du paramètre positif @@ ? Quelle valeur doit--on donner a la constante K si l'on souhaite que la théorie MOND soit équivalente a la gravitation newtoniene si u n'est pas négligeable devant 1. Ü 19 -- En combinant l'expression (2) avec l'équation de Poisson de la question 11 relative a la gravitation non modifiée et au potentiel newtonien gb, montrer qu'il existe un vecteur Ë tel que u(u) grédgbm : gradgb + rdtÎi. On fera par la suite l'hypothèse que rdtË est toujours négligeable devant le gradient du potentiel newtonien gb. Pour modéliser notre galaxie avec la théorie MOND il n'est plus nécessaire d'introduire de la matière noire, on prend donc simplement gb(r) : --%. Pour cette modélisation on suppose également que gb... : gb...(r) et l'on admettra que la vitesse circulaire est toujours donnée par la relation obtenue a la question 13 généralisée a gb.... Ü 20 -- Montrer que dans le régime u << 1, la vitesse circulaire prévue par la théorie MOND pour notre galaxie est donnée par la relation % : (GMbao)1/n où l'on déterminera l'entier n. Ü 21 -- Estimer la valeur numérique de @@ afin que la théorie MOND permette de rendre compte de la vitesse circulaire observée dans notre galaxie. Commenter ce résultat en évaluant un ordre de grandeur de l'accélération subie par le Soleil dans la voie lactée (voir Fig. 3). Même si MOND possède de nombreux avantages sur la gravitation de NEWTON a l'échelle galactique, la théorie relativiste associée, TEVES proposée en 2004 par J . BEKENSTEIN, pose de graves problèmes FIN DE LA PARTIE II Page 5/8 Tournez la page S.V.P. Nature de la gravitation III. -- Expérience GEAR -- Peser l'antimatière ? Plusieurs tentatives de tests directs du principe d'équivalence pour l'antimatière ont été menées sans succès. Des mesures de chute libre avec de l'antimatière chargée ont été envisagées, mais l'appareillage visant à réduire les effets parasites du champ électromagnétique par blindage n'a pu atteindre un niveau suffisant. La mesure de chute libre d'antimatière ne peut donc se faire qu'avec de l'antimatière neutre. Il est cependant très difficile de produire efficacement des antineutrons lents ou encore de mener des expériences de chute libre avec un positronium PS (état lié neutre composé d'un électron e_ et de son antiparticule, le positon e+). L'idée est donc venue d'utiliser l'atome d'antihydrogène Ê, association d'un positon e+ avec un antiproton }î. L'expérience GBAR (acronyme de Gravitationnel Behaviour of Antihydrogen at Rest) a pour objectif la mesure de l'accélération (notée ÿ) d'un atome d'antihydrogène Ê en chute libre dans le champ gravi-- tationnel de la Terre. Pour étudier sa chute avec un appareillage de taille raisonnable, l'antihydrogène Ê doit être produit a très basse vitesse. Cette expérience représente un vrai défi! On produit tout d'abord des positons rapides à partir d'un faisceau pulsé d'électrons de plusieurs MeV dirigé sur une cible de Tungstène. Les positons sont ensuites ralentis et stockés dans un piège dit de PENNING--MALMBERG sous forme de plasma non neutre. Une fois la quantité stockée suffisante, les positons sont injectés dans un convertisseur pour y subir les transformations décrites par les équations ci--dessous : p + P, --> Ê + e_ (3)
Ê+P,-->Ê++e_ (4)
Les ions Ê+ sont composés d'un antiproton }? et de deux positons e+. Le fait
qu'ils soient chargés
permet de les stocker dans un piège de PAUL en vue de leur refroidissement
jusqu'à une température
de quelques dizaines de ,aK.
Une fois refroidis, ils sont injectés dans une enceinte à vide dans laquelle un
laser peut assurer le photo--
détachement du positon excédentaire, produisant ainsi des atomes
d'antihydrogène. Ultra--froids, ces
derniers tombent alors dans le champ de pesanteur terrestre sur une hauteur de
l'ordre de quelques
dizaines de centimètres.
Autour de cette enceinte, des TPC (chambres a projection temporelle) et des
scintillateurs assurent
une détection efficace des particules issues de l'annihilation de
l'antihydrogène Ê a la fin de sa chute,
quelle qu'en soit la direction. Si l'antimatière ne gravite pas exactement
comme la matière (sens, durée
de chute, etc.), l'expérience devrait pouvoir le détecter!
Nous nous proposons dans cette partie d'étudier de facon simplifiée les
techniques de stockage des
particules chargées, développées dans le projet GBAR et d'étudier la
calibration de la mesure.
III.A. -- Piéger une particule
L'objectif est de piéger une particule chargée en vue de la refroidir
et la garder ainsi stockée le plus longtemps possible. L'idée la plus
simple consiste a piéger cette particule dans un puits de potentiel.
Le dispositif de piégeage est représenté sur la figure 4, il compte
trois électrodes présentant une symétrie de révolution autour d'un
axe (Oz). La première, notée 50, est en forme d'anneau de rayon
interne m et d'équation 5132 + y2 -- 2752 = 7%, elle est portée à un
potentiel VO positif. Les deux autres, notées 81 et 52, sont en forme
de coupelles et correspondent aux deux nappes de l'hyperboloïde
d'équation 5132 + y2 -- 2752 : --2zä, elles sont reliées à la masse. La .
distance minimale entre les deux coupelles est telle que 2750 : \/Îr0. FIG. 4
-- Vue en coupe du piège
On note V(:c, y, 75) le potentiel régnant dans le piège initialement vide de
charge. Oe potentiel est donc
tel que V (O, O, zo) : 0 d'une part et d'autre part si 562 + y2 = 7% alors V
(a:, y, 0) = V0.
On admet qu'une particule de charge q placée dans le piège est soumise à une
force conservative de la
52
forme Ë' : a (a: @, + y %) + bz @ où a et b sont deux paramètres réels.
Page 6/8
Physique Il, année 2015 -- filière MP
Ü 22 -- En écrivant l'équation aux dérivées partielles vérifiée par le
potentiel V(a:, y, z) obtenir une
relation entre a et (9. Montrer que le potentiel s'écrit sous la forme V(a:, y,
z) = 04 + fi(a:2 + y2 -- 2752),
puis, exprimer 04 en fonction de V0 et 6 en fonction de m et V0.
Ü 23 -- Tracer les équipotentielles dans les plans 55075 et oeOy, en déduire
les lignes de champ
orientées dans ces mêmes plans.
Ü 24 -- En écrivant le principe fondamental de la dynamique montrer que le
point 0 (O, O, O) est un
équilibre. Montrer que cet équilibre est globalement instable quel que soit le
signe de la charge placée
dans ce potentiel.
III.B. -- La trappe de PENNING
Afin d'éliminer l'instabilité démontrée a la question 24, une première solution
est d'ajouter un champ
magnétique uniforme Ëg : B0ÜZ avec BO : 1,0 T autour du dispositif
électrostatique. Le piège
devient ainsi << une trappe de PENNING >>, le mérite de sa mise en oeuvre
concrète est du a H. G.
DEHMELT qui reçut le prix NOBEL de physique en 1989 pour cette réalisation,
l'idée originale, de F.
M. PENNING, datant de 1936.
Ü 25 -- La particule piégée dans la trappe de PENNING est un antiproton }? de
masse mp et de charge
q = --e. Etablir les équations différentielles vérifiées par les fonctions ?:
(t) et C (t) = a: (t) + iy (15).
On introduira les constantes w = @ et w : Log. Montrer u'il existe un cham Bmin
tel ue
c mp 0 mp7'0 q p 7 q
l'ajout d'un champ BD 2 Bmin conduit au confinement de l'antiproton. Calculer
la valeur de Bmin
pour un piège tel que V0 = 5, UV et m = 5, 7mm.
Ü 26 -- Calculer la valeur numérique de wo et wc pour la trappe de PENNING
considérée. En déduire
que le mouvement confiné de l'antiproton dans cette trappe est la composition
d'un mouvement
rapide et de deux mouvements plus lents. On donnera une estimation simple des
pulsations de ces
trois mouvements en fonction de ado et wc.
Dans l'expérience GBAR, la trappe de PENNING permet de confiner les
antiprotons, dont l'énergie
cinétique d'entrée est estimée a 5 MeV. Pour les applications suivantes il est
nécessaire de les refroidir
jusqu'à une énergie de l'ordre de 150 eV. On se pose donc la question de savoir
si le mouvement
oscillant des antiprotons dans la trappe permet ce refroidissement.
On admet que le mouvement oscillant de l'antiproton est la source d'un
rayonnement qui va contribuer
a diminuer son énergie mécanique. La source principale de ce rayonnement est
assurée par l'accélération
selon l'axe Oz. La puissance moyenne T. = ,,,, T,
Ü 27 -- Déterminer l'ordre de grandeur de la température absolue des
antiprotons a l'entrée de la
trappe. Montrer que le rayonnement qu'il émet conduit a une décroissance
exponentielle de l'énergie
mécanique de l'antiproton caractérisée par une constante de temps '7' que l'on
exprimera en fonction de
mp, ,u0, e, c et wo. En déduire la nécessité de recourir a une méthode de
refroidissement complémentaire.
Cette méthode non étudiée ici est une thermalisation par chocs élastiques sur
un nuage d'électrons
confinés dans la trappe.
III.C. -- Principe de la mesure
La mesure du temps de chute tc est donnée par la différence de temps entre la
détection de l'annihilation
de l'antiatome Ê et celui du tir du laser de photo--détachement. On note @@ la
composante de la
vitesse initiale suivant la direction de la force gravitationnelle exercée par
la Terre (matière) sur
l'antihydr0gène (antimatière). La masse de Ë sera prise égale a celle de Î9,
c'est--à--dire mp.
Ü 28 -- Le processus de refroidissement incorporé dans la trappe de PENNING
permet de porter le
gaz d'ions Ë+ piégés a la température T = 10 ,uK. En supposant ce gaz parfait
et en négligeant les
impulsions apportées par le photon lors de l'impact et par le positon émis,
prévoir la vitesse initiale
moyenne % d'un antihydr0gène produit par photo--détachement et estimer son
écart--type ov. On
exprimera av en fonction de kg, mp et T puis on calculera sa valeur numérique.
Page 7/8 Tournez la page S.V.P.
Nature de la gravitation
Ü 29 -- En admettant l'égalité des masses inerte et grave compte--tenu des
résultats obtenus en
partie I, exprimer l'intensité de pesanteur ÿ supposée uniforme ressentie par
un antihydrogène quittant
le piège avec une vitesse verticale de module U0. On exprimera le résultat en
fonction de la hauteur
de chute h, du temps de chute tc et de @@ en espérant que l'antihydrogène va
antigraviter!
Ü 30 -- Un antiatome << tombe >> sans vitesse initiale sur une paroi située a
10, 0 cm où l'on détecte
son annihilation 0, 143 s après son photo--détachement. Déterminer la valeur de
ÿ correspondant a cette
mesure.
Ü 31 -- On détecte un grand nombre N d'antihydrogène s'annihilant sur la paroi.
On note 0},
l'incertitude sur la position initiale d'un antiatome et au l'incertitude sur
sa vitesse initiale dans la
direction de chute déterminées précédemment. Les incertitudes sur le temps de
chute libre et sur
la position de détection sont négligées. En considérant que les positions et
les vitesses initiales sont
indépendantes et distribuées selon des lois gaussiennes, estimer l'incertitude
5ÿ sur la mesure de ÿ en
fonction de tc, N, ah, kB, T et mp.
Ü 32 -- On donne T = 10 MEUR et U;, = 100 mn. À partir de quelle valeur de N
l'erreur relative sur
la mesure de ÿ est--elle inférieure à 1% ?
Tester la gravité pour l'antimatière est un véritable enjeu pour la physique
fondamentale. Outre
la remise en cause du principe d'équivalence et des symétries fondamentales
dans l'Univers, cette
expérience de pesée de l'antihydrogène, prévue pour 2016, devrait permettre de
répondre a la question
de l'existence ou non de l'antigravité, pouvant expliquer l'absence
d'antimatière visible dans l'Univers.
FIN DE LA PARTIE III
FIN DE L'ÉPREUVE
Formulaire et données numériques relatives à l'ensemble de l'épreuve
. Constante de gravitation universelle :
G = 6, 7.10-11 m3 --kg_1 -s--2
. Constante de Boltzmann :
kB : 1,4-10_23J--K_1
. Vitesse de la lumière : c = 3,0 -- 108 m - s--
0 Nombre d'Avogadro : NA : 6,0 - 1023 mol--1
. Charge élémentaire : e = 1, 6 -- 10_19 O
0 Opérateurs scalaires et vectoriels :
<> rdt(grädf) : 0
<> div(rdtÂ) : ()
<> div(grädf) : Af
. Laplacien scalaire
1
0 Masse d'un proton : m,, = 1, 7 -- 10_27 kg , , _
<> en coordonnees cartes1ennes :
7 , : = _ --31 82 82 82
0 Masse d un electron . me 9,1 10 kg Af : â_æ,£ + Û_y£ + ('a--Â
. Permeab1l1te magnet1que du v1de : <> en coordonnées sphériques ,
u0=47r--10_7H-m_1 A _ 1 & 2âf
. , . f -- 725 (7° @)
. Un1tes de d1stance : 1 8 _ 8 f
1 UA : 1,5 -- 1011 m ;1pc : 3,1 . 1016m +--ras...eæ (Sln9æ)
82
0 Masse du Soleil : MQ : 2, 0 -- 1030 kg +--,.2 S,1n2 9 fi
. Masse de la Terre : Mt : 6,0 - 1024 kg
. Rayon de la Terre : Rt : 6, 4 - 103 km
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