ÉCOLE POLYTECHNIQUE ÉCOLES NORMALES SUPÉRIEURES
FILIÈRE
CONCOURS D'ADMISSION 2012
MP
COMPOSITION DE PHYSIQUE (XULC)
(Durée : 4 heures)
L'utilisation des calculatrices n'est pas autorisée pour cette épreuve.
On se contentera, pour les applications numériques, d'un seul chiffre
significatif.
Effet du champ gravitationnel terrestre
sur le mouvement d'un gyroscope en orbite
La théorie de la relativité générale, publiée par A. Einstein en 1916, prédit
l'existence de deux
effets, dits effet géodétique et effet Lense-Thirring, sur le mouvement d'un
gyroscope en orbite
autour de la Terre. Ceux-ci ont été mesurés avec succès par le satellite
Gravity Probe B en
2008. Dans ce problème, nous allons essayer de rendre compte de ces
perturbations du mouvement classique en nous fondant sur une généralisation
post-newtonienne du champ gravitationnel
obtenue par analogie avec l'électromagnétisme. Cette analogie permet de
comprendre l'origine
des phénomènes et d'en calculer un ordre de grandeur, mais ne donne pas les
mêmes résultats
que la théorie de la relativité générale.
Données numériques
Vitesse de la lumière dans le vide
Rayon de la Terre
Accélération de la pesanteur à la surface de la Terre
Durée de l'année
Masse de l'électron :
Charge élémentaire :
Formulaire
c
R
g
1 an
me
e
=
=
=
=
=
=
3, 0 × 108 m · s-1
6, 4 × 106 m
9, 8 m · s-2
3, 2 × 107 s
9, 1 × 10-31 kg
1, 6 × 10-19 C
ä
-
Ä- ~ ä -- Ä
~ - A
~
rot rot A
= grad div A
I. Une théorie du gravitomagnétisme
Dans cette partie, nous allons partir de l'analogie formelle entre le champ
électrique et le
champ gravitationnel. Ceci nous permettra de construire l'équivalent
gravitationnel des équations
de Maxwell et fera apparaître un champ « gravitomagnétique », analogue du champ
magnétique.
1
~ créé en M par une charge ponctuelle q placée
I.1 Quelle est l'expression du champ électrique E
en O ? Donner l'expression du champ gravitationnel ~g obtenu en M en remplaçant
q par une
masse ponctuelle m. On notera G la constante de gravitation universelle.
I.2 On s'intéresse maintenant à une distribution continue de charge électrique
ayant la densité
e (~r) ou de matière ayant la masse volumique (~r). En poursuivant l'analogie
de la question
précédente, justifier que la divergence du champ gravitationnel prend la forme
div ~g = /g , où
g est une constante donc on précisera l'expression. Montrer que l'on peut alors
retrouver le
théorème de Gauss gravitationnel.
Dans le cas général, le champ électromagnétique vérifie les équations de
Maxwell. En nous
fondant sur l'analogie formelle entre le champ électrique d'une distribution de
charge et le champ
gravitationnel d'une distribution de masse, nous allons supposer l'existence
d'un champ gravitomagnétique ~h couplé au champ gravitationnel ~g selon les
équations
div ~g =
div ~h = 0
g
Å
ã
~h
~g
- ~
-
rot h = µg ~j + g
rot ~g = -
t
t
où ~j = ~v désigne le vecteur densité de courant, ~v étant la vitesse de la
matière au point considéré.
I.3 Quelle est la dimension de ~h ?
I.4 À partir de ces équations, déduire la forme locale de l'équation de
conservation de la masse.
I.5 Montrer que le champ gravitationnel dans le vide, en l'absence de masse,
est solution d'une
équation d'onde. On suppose que la vitesse de propagation de ces ondes
gravitationnelles est
égale à c, vitesse de la lumière dans le vide. En déduire l'expression de µg en
fonction de G et c.
I.6 Rappeler l'expression de la force subie par une masse ponctuelle m plongée
dans un champ
gravitationnel ~g . Par analogie avec l'électromagnétisme, donnez l'expression
de la force de Lorentz
due au champ gravitomagnétique ~h.
Nous allons maintenant comparer l'action du champ gravitationnel et du champ
gravitomagnétique en étudiant le système constitué de deux fils parallèles
infinis.
I.7 Déterminer le champ gravitationnel créé par un fil rectiligne infini,
immobile, de masse
linéique , en tout point extérieur à celui-ci. En particulier, on précisera les
arguments de symétrie
qui permettent de simplifier le calcul.
-
I.8 Exprimer la force gravitationnelle par unité de longueur Fg entre deux fils
identiques et
parallèles, séparés par une distance d.
I.9 On considère à présent un fil rectiligne infini de masse linéique en
mouvement uniforme
à la vitesse ~v parallèle au fil. Déterminer le champ gravitomagnétique ~h
qu'il crée en un point
extérieur quelconque. Une fois encore, on précisera les arguments de symétrie
qui permettent de
simplifier le calcul.
2
-
I.10 Donner l'expression de la force gravitomagnétique par unité de longueur Fh
entre deux fils
rectilignes identiques et parallèles, en mouvement à la même vitesse ~v
parallèle à leur direction
et séparés par une distance d. Cette force est-elle attractive ou répulsive ?
Comment s'écrit le
-
-
rapport kFh k/kFg k ? Quelle est l'importance relative des effets
gravitomagnétiques pour des
vitesses ordinaires ? Que se passe-t-il si on inverse le sens de la vitesse de
l'un des fils ?
On s'intéresse maintenant à l'action d'un champ gravitomagnétique sur un
gyroscope.
-
I.11 Rappeler l'expression du moment magnétique M d'une spire circulaire de
rayon R parcourue
par un courant I.
I.12 On considère une spire circulaire de masse m et de rayon R en rotation
uniforme à la
vitesse angulaire ~
autour de l'axe perpendiculaire à son plan et passant par son centre. En
-
poursuivant l'analogie, montrer que son moment gravitomagnétique M g est
proportionnel à son
moment cinétique ~ . Donner la valeur de la constante de proportionnalité. On
supposera cette
relation de proportionnalité générale.
I.13 Rappeler le couple que subit un moment magnétique plongé dans un champ
magnétique
uniforme et constant. On considère un gyroscope de moment cinétique ~ placé
dans un champ
gravitomagnétique ~h uniforme et constant. Déduire par analogie l'équation du
mouvement de ~
et décrire succinctement son évolution au cours du temps.
II. Effet gravitomagnétique sur un satellite dû à sa révolution
II.1 On considère un satellite en orbite circulaire autour de la Terre.
Exprimer sa vitesse v
en fonction de son altitude a, de la masse M et rayon R de la Terre et de la
constante
de gravitation universelle G. Comment s'écrit cette vitesse en fonction de
l'accélération de la
pesanteur à la surface de la Terre g, de a et de R ?
Application numérique : Calculer v pour un satellite orbitant à basse altitude
a R . En
déduire la valeur de sa période de révolution.
Dans le référentiel barycentrique du satellite, la Terre tourne autour de lui,
ce qui crée un
champ gravitomagnétique dont nous allons étudier l'effet. Pour simplifier la
modélisation, nous
supposons, dans cette partie uniquement, que le référentiel barycentrique du
satellite est galiléen.
-
II.2 Rappeler l'expression du champ magnétique B au centre d'une spire
circulaire de rayon R
parcourue par un courant d'intensité I.
II.3 Par analogie, en déduire l'expression du champ gravitomagnétique ~h
ressenti par le satellite,
dans la limite où la Terre est ponctuelle. On l'exprimera en fonction de v, c
et de sa période de
révolution T .
II.4 Un gyroscope est placé au centre de gravité du satellite en s'arrangeant
pour qu'il n'ait
aucun contact avec celui-ci, de sorte à laisser libres tous ses degrés de
libertés de rotation. On
notera ~ le moment cinétique du gyroscope dans le référentiel barycentrique du
satellite. La
direction initiale de ~ est choisie dans le plan orbital du satellite.
3
Montrer que ~ précesse à une vitesse angulaire 1 dont on donnera l'expression
en fonction
de v, c et T (effet dit « géodétique »). On précisera sur un schéma la
direction et le sens du
mouvement de précession.
II.5 Calculer numériquement l'angle dont tourne ~ en un an pour un satellite
orbitant à basse
altitude. Comparer ce résultat théorique avec la valeur expérimentale 3, 2 ×
10-5 radian mesurée
par le satellite Gravity Probe B.
III. Effet gravitomagnétique de la rotation de la Terre sur un satellite
Dans cette partie, il s'agit maintenant de calculer l'effet gravitomagnétique
induit par la
rotation propre de la Terre sur l'orientation d'un gyroscope en orbite. On
désigne par Oxyz
un référentiel géocentrique, supposé galiléen, où O est le centre de la Terre
et Oz son axe de
-
rotation. On note = ~ez la vitesse angulaire de la Terre dans ce référentiel
et J son
moment d'inertie par rapport à l'axe Oz.
-
III.1 Donner l'expression du moment gravitomagnétique de la Terre, noté M g ,
dû à sa rotation
propre.
-
III.2 On rappelle que le champ magnétique B créé en un point P par un dipôle
magnétique de
-
moment M situé en O est donné par
-
-
~r
-
-
µ0 3(M .~n) ~n - M
avec ~r = OP et ~n =
B =
4
r3
r
Donner l'expression du champ gravitomagnétique de la Terre, assimilée dans la
suite du
problème à un moment gravitomagnétique ponctuel. Tracer l'allure de ses lignes
de champ dans
un plan contenant l'axe de rotation terrestre.
On considère désormais un satellite de plan orbital Oyz (orbite polaire). La
position du
satellite sur son orbite est repérée par un angle de sorte que les coordonnées
du satellite sont
données par y = (R + a) sin et z = (R + a) cos .
III.3 Donner l'expression des composantes hy et hz du champ gravitomagnétique
terrestre ressenti par le satellite en fonction de .
Comme dans la partie II, un gyroscope est placé au centre de gravité du
satellite, sans contact
avec celui-ci. On notera ~ le moment cinétique du gyroscope dans le référentiel
barycentrique du
satellite. Initialement, la direction de ~ est parallèle à Oy.
III.4 Exprimer la variation ~ , supposée faible, de ~ sur une période orbitale
T .
III.5 De quel angle tourne ~ pendant la période T ? En déduire l'expression de
la vitesse
angulaire moyenne de précession de ~ , notée 2 (effet dit « Lense-Thirring »).
2 et on se place dans la limite où a R . Exprimer en fonction
III.6 On donne J 13 M R
2
de , c et v, la vitesse du satellite.
III.7 Déterminer le rapport 2 /1 , où 1 est la vitesse angulaire calculée dans
la partie II.
4
Application numérique : le satellite Gravity Probe B a mesuré |2 | = 1, 9 ×
10-7 radian/an.
L'ordre de grandeur de ce résultat est-il compatible avec la modélisation
proposée plus haut ?
III.8 Le satellite Gravity Probe B a aussi mesuré la direction des deux
mouvements de précession
du gyroscope. Montrer que le choix d'une orbite polaire permet de séparer
l'effet géodétique de
l'effet Lense-Thirring.
IV. Mesure du mouvement du gyroscope
Le gyroscope est une boule de quartz isolant revêtue d'une fine pellicule de
niobium supraconducteur. L'ensemble est mis en rotation. Un supraconducteur en
rotation est le siège d'un
champ magnétique aligné avec son axe de rotation. La précession du gyroscope
est déterminée
par des mesures de flux de ce champ magnétique à travers une boucle à
induction. Le but de
cette partie est d'établir l'expression du champ magnétique engendré par un
supraconducteur en
rotation, puis d'estimer la précision de la mesure.
IV.1 On admet qu'il existe un choix du potentiel vecteur tel que la vitesse des
électrons soit
donnée en tout point du supraconducteur par
~v =
e ~
A,
me
~ est le potentiel vecteur au
où e est la charge élémentaire, me est la masse de l'électron, et A
point où se trouve l'électron. Vérifier que cette équation est
dimensionnellement correcte.
IV.2 On note N la densité volumique d'électrons dans le supraconducteur.
Exprimer la densité
de courant ~j en supposant que les électrons sont les seuls porteurs de charge.
IV.3 On admet qu'un supraconducteur est un conducteur ohmique de résistivité
nulle. Écrire la
forme locale de l'équation de conservation de la charge en un point à
l'intérieur du supraconduc~?
teur. Quelle condition impose-t-elle sur le potentiel vecteur A
IV.4 On suppose par ailleurs que le potentiel scalaire V est partout nul à
l'intérieur du supra~ et le champ magnétique B
~ en fonction de ~j.
conducteur. Exprimer le champ électrique E
IV.5 Parmi les quatre équations de Maxwell, lesquelles sont automatiquement
vérifiées par ces
~ et B
~?
expressions de E
~ = ~ez autour de l'axe
IV.6 Le supraconducteur est en rotation uniforme à la vitesse angulaire
Oz. On suppose que les électrons sont au repos par rapport au supraconducteur.
En déduire
~ dans la pellicule supraconductrice.
l'expression de ~v en un point ~r, puis l'expression du champ B
~ à l'intérieur de la boule constituant le gyroscope.
IV.7 En déduire l'expression du champ B
Application numérique : La vitesse angulaire de rotation du gyroscope embarqué
sur le satellite
Gravity Probe B est = 900 rad · s-1 . Calculer B, module du champ magnétique à
l'intérieur
du gyroscope.
5
IV.8 Un magnétomètre appelé SQUID permet, par une mesure de flux du champ
magnétique,
de détecter la variation d'une composante quelconque du champ magnétique avec
une précision
B = 5 × 10-17 T. En déduire la précision relative sur la mesure de l'effet
Lense-Thirring pour
une expérience durant un an.
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