ÉCOLE POLYTECHNIQUE
ÉCOLE SUPÉRIEURE DE PHYSIQUE ET DE CHIMIE INDUSTRIELLES
CONCOURS D'ADMISSION 2010
FILIÈRE
PC
PREMIÈRE COMPOSITION DE PHYSIQUE
(Durée : 4 heures)
L'utilisation des calculatrices est interdite pour cette épreuve.
Pour les applications numériques, on se contentera d'un seul chiffre
significatif.
La chaleur des planètes
Ce problème étudie quelques aspects de la formation des planètes et de leur
refroidissement.
I. Genèse des planètes telluriques
Les planètes telluriques telles que Mars ou la Terre se sont formées par la
condensation de
nuages de poussières sous l'effet de l'interaction gravitationnelle, au cours
d'un processus dit
d'accrétion.
I.1. Accrétion de petits corps par une planète en formation
I.1.1. Une planète supposée ponctuelle et de masse M est immobile dans le vide
à l'origine O
d'un référentiel galiléen. Un point matériel de masse m arrive de l'infini avec
une vitesse initiale
~
~
~v0 , de norme v0 . On définit b = kLk/mv
0 , où L est le moment cinétique en O de la masse m.
Donner l'interprétation géométrique de b à l'aide d'un schéma.
I.1.2. Les deux masses interagissent sous l'effet de la gravitation. On note G
la constante
newtonienne de gravitation. On suppose m M , de telle sorte que la masse M
reste pratiquement immobile. Quelle est la nature de la trajectoire de la masse
m ? On note rmin sa distance
minimale d'approche à l'origine. Exprimer b en fonction de rmin , v0 , G et M .
I.1.3. On considère maintenant le cas où la planète de masse M n'est plus
ponctuelle mais
est assimilée à une sphère homogène de rayon R. Exprimer la vitesse de
libération vl en fonction
de G, M et R. Montrer que la masse m arrivant de l'infini heurte la planète si
2
b M2 initialement. Montrer que dans
le cas de
l'accrétion galopante, le rapport M1 /M2 augmente au cours du temps. Commenter.
I.2. Chauffage par collision
I.2.1. L'hémisphère nord de Mars présente une vaste dépression, qui pourrait
résulter d'une
collision avec un gros astéroïde. Calculer l'élévation globale moyenne de
température résultant de
la collision avec un astéroïde de rayon r = 1000 km et de masse volumique = 3
× 103 kg · m-3 ,
arrivant de l'infini avec une vitesse initiale que l'on prendra nulle. La
vitesse de libération de Mars
est vl = 5 km · s-1 , sa masse M = 6 × 1023 kg. On supposera que la capacité
thermique massique
de Mars est constante, C 103 J · kg-1 · K-1 , et que toute l'énergie cinétique
de l'astéroïde est
absorbée par Mars lors de la collision.
I.2.2. Expliquer pourquoi l'accrétion étudiée dans la partie I.1 s'accompagne
nécessairement
d'une élévation de température importante. Quel mode de transfert thermique
permet d'évacuer
une partie de l'énergie interne ?
I.3. Différenciation planétaire
La Terre est constituée pour deux tiers de sa masse de matériaux légers tels
que les
silicates, de masse volumique 1 , et pour le tiers restant de matériaux lourds
tels que le fer,
de masse volumique 2 . On prendra pour les applications numériques les valeurs
approchées
1 = 4 × 103 kg · m-3 et 2 = 9 × 103 kg · m-3 . La température initiale de la
Terre est élevée, et
son intérieur est partiellement fondu.
I.3.1. On assimile pour le moment la Terre à une sphère homogène de rayon R et
de masse
volumique moyenne 1/m = (2/1 + 1/2 )/3. Exprimer l'intensité g(r) du champ de
gravitation
à une distance r 6 R du centre de la Terre en fonction de r, R et de sa valeur
à la surface
g0 = g(R).
I.3.2. On considère une petite bille de fer de volume V et de masse volumique 2
à
la distance r du centre de la Terre. La bille est immergée dans le liquide de
masse volumique m . Calculer la résultante des forces s'exerçant sur la bille.
En déduire la variation
2
d'énergie potentielle du système lorsqu'elle tombe depuis la surface jusqu'au
centre de la Terre.
La calculer numériquement pour une mole de fer de masse MFe 60 g. On donne R =
6000 km,
g0 = 10 m · s-2 . Comparer la variation d'énergie potentielle à l'ordre de
grandeur caractéristique
d'une enthalpie de réaction chimique.
I.3.3. Les matériaux les plus denses ont tendance à s'enfoncer vers le centre
alors que les
matériaux moins denses migrent vers la surface. Ce processus conduit à la
différenciation du
globe terrestre en un manteau externe, constitué des espèces les plus légères
et recouvert d'une
fine écorce, et un noyau interne, constitué des espèces plus lourdes. Calculer
le rayon du noyau.
Que peut-on dire, qualitativement, de la distribution de température dans le
noyau à l'issue du
processus de différenciation planétaire ?
II. Refroidissement par conduction
On suppose dans cette partie que le manteau terrestre est indéformable. Le seul
mécanisme
par lequel il peut évacuer son énergie interne est donc la diffusion thermique.
On suppose pour
simplifier que le manteau est homogène et que sa température au temps initial t
= 0 est uniforme,
de valeur Tc = 4000 K (valeur actuelle de la température à la limite entre le
manteau et le noyau).
On suppose également qu'un mécanisme externe maintient la température de
surface Ts constante
pour t > 0, avec Ts Tc . On admet enfin (ce qu'on justifiera par la suite) que
la courbure de la
planète est négligeable. Sa surface est par conséquent assimilée au plan
d'équation z = 0, où z
est la profondeur comptée positivement à partir de la surface.
II.1. On suppose que la température T ne dépend que de la profondeur z et du
temps t. Écrire
l'équation aux dérivées partielles régissant l'évolution de la température T
(z, t) pour z > 0 et
t > 0. Cette équation fait apparaître un coefficient , dit coefficient de
diffusivité thermique,
dont on donne la valeur numérique = 10-6 m2 · s-1 .
II.2. On cherche une solution de cette équation de la forme T (z, t) = f (), où
= z/(2 t).
Écrire l'équation différentielle que doit vérifier f . Vérifier que la solution
générale de cette équation est
Z
f () = A
exp(-s2 )ds + B,
0
où A et B sont des constantes d'intégration.
II.3. On donne l'intégrale
fonction de Tc et Ts .
R +
0
exp(-s2 )ds =
/2. Déterminer les expressions de A et B en
II.4. Donner l'expression du gradient de température en z = 0, dit gradient
géothermique, à
l'instant t.
II.5. Les mesures actuelles de la température dans le sous-sol donnent un
gradient géothermique
de 30 K · km-1 . En déduire que l'approximation qui consiste à négliger la
courbure de la Terre
est justifiée. Estimer numériquement l'âge de la Terre, en années, suivant ce
modèle. Une année
vaut approximativement 3 × 107 s. Le résultat obtenu vous paraît-il
satisfaisant ?
3
III. Refroidissement par convection
Le modèle de la partie précédente est incomplet pour deux raisons. D'une part,
le manteau
terrestre se comporte comme un fluide très visqueux, qui peut évacuer la
chaleur par convection.
D'autre part, la radioactivité constitue une source importante d'énergie, qui
ne peut être négligée.
Dans cette partie, on se propose de modéliser le phénomène de convection dans
le manteau
terrestre. On modélise celui-ci comme un fluide contenu entre les plans z = 0
et z = a. Comme
dans la partie précédente, z désigne la profondeur comptée à partir de la
surface. Le champ de
vitesses eulérien du fluide ~v (~r, t) satisfait l'équation de Navier-Stokes
1 --
D~v
= - gradP + ~g + ~v ,
Dt
où D/Dt désigne la dérivée particulaire, la masse volumique du fluide,
supposée ne dépendre
que de la température, P sa pression, ~g le champ de gravitation, supposé
constant et uniforme,
la viscosité cinématique du fluide, et l'opérateur laplacien.
On admet que l'équation d'évolution de la température T (~r, t) dans le fluide
est donnée par
l'équation de la diffusion thermique, dans laquelle on remplace la dérivée T /t
par la dérivée
particulaire DT /Dt. Comme dans la partie II, on note le coefficient de
diffusivité thermique,
supposé constant et uniforme.
III.1. Chauffage par le bas
On modélise dans un premier temps le chauffage du manteau terrestre par le
noyau. On note
Ts la température en z = 0 et Tc la température en z = a, supposées constantes,
avec Tc > Ts .
III.1.1. Montrer que ces équations admettent une solution statique avec ~v =
~0. On notera
P0 (z), 0 (z) et T0 (z) les valeurs de P , et T pour cette solution.
Déterminer T0 (z) et dessiner
le profil de température.
III.1.2. Pour déterminer si la solution statique est stable, on étudie
l'évolution au cours du
temps d'une petite perturbation. On pose P (~r, t) = P0 (z) + P1 (~r, t), (~r,
t) = 0 (z) + 1 (~r, t),
T (~r, t) = T0 (z) + T1 (~r, t), et on traite P1 , 1 , T1 et la vitesse du
fluide ~v comme des perturbations
du premier ordre. On suppose que la masse volumique ne dépend que de la
température, et on
note = -(1/)(d/dT ) le coefficient de dilatation thermique, supposé
indépendant de T dans
la gamme de température considérée. Linéariser l'équation de Navier-Stokes et
l'équation de la
diffusion thermique. Vérifier qu'elles se mettent sous la forme
~v
t
T1
t
= -
1 --
gradP1 - ~g T1 + ~v
0 (z)
= - vz + T1 ,
où est une constante dont on donnera l'expression. Expliquer quels sont, dans
le membre de
droite de ces équations, les termes qui favorisent la convection et ceux qui
s'y opposent.
4
0
a /2
a
z
Figure 1. Cellules de convection.
III.1.3. La résolution complète de ces équations linéarisées, auxquelles il
faudrait ajouter la
conservation de la masse, est complexe et montre que des rouleaux de
convection, représentés
sur la figure 1, peuvent apparaître sous certaines conditions. Nous allons nous
contenter d'une
solution simplifiée qui est correcte au milieu du manteau, au voisinage de z =
a/2. On admet
que le champ de vitesses y est principalement vertical, vx = vy = 0, et on
cherche une solution
ne dépendant que de x et t de la forme, en notation complexe
vz (x, t) = Re [A exp(t + ikx)]
T1 (x, t) = Re [B exp(t + ikx)]
P1 (x, t) = Re [C exp(t + ikx)] ,
où A, B et C sont des amplitudes complexes, et et k sont réels. En insérant
les trois relations
ci-dessus dans les équations obtenues à la question III.1.2, obtenir la
relation entre et k pour
que le système ait des solutions non nulles.
III.1.4. On cherche la condition sous laquelle peuvent apparaître des rouleaux
de convection
cylindriques (voir figure 1), qui correspondent à la valeur k = /a. Montrer que
pour cette valeur
de k, la solution statique est instable si le nombre de Rayleigh, défini par Ra
= ga4 /, est
supérieur à un seuil qu'on précisera.
III.1.5. On donne les valeurs numériques a = 3000 km, Tc - Ts = 2000 K, = 2 ×
10-5 K-1 ,
g = 10 m · s-2 , = 10-6 m2 · s-1 , = 1017 m2 · s-1 . Comparer la valeur de à
son ordre de
grandeur pour un liquide ordinaire. Calculer le nombre de Rayleigh et montrer
que la convection
dans le manteau est possible. Quelle caractéristique de ce système compense sa
grande viscosité ?
III.2. Chauffage interne
On étudie maintenant le chauffage du manteau terrestre par la radioactivité
interne. On
note H la puissance par unité de masse dégagée par les désintégrations
radioactives dans le
manteau terrestre, supposée constante et uniforme. On néglige le chauffage par
le noyau, et on
considère par conséquent qu'il n'y a pas de transfert thermique à travers le
plan z = a. Comme
précédemment, on note Ts la température en z = 0, supposée constante.
III.2.1. Comment est modifiée l'équation de la diffusion thermique en présence
de la source
de chaleur ? On notera C la capacité thermique massique, supposée constante.
Déterminer la
solution statique T0 (z) de cette équation en tenant compte des nouvelles
conditions aux limites.
Dessiner le profil de température.
5
III.2.2. Comme dans la partie III.1., on étudie l'évolution d'une petite
perturbation autour
de cette solution statique. Montrer que les équations obtenues à la question
III.1.2. sont toujours
valables, à ceci près que est une fonction de z. Exprimer la valeur de au
milieu du manteau
(z = a/2) en fonction de H, C, et a.
III.2.3. Calculer numériquement le nombre de Rayleigh associé au chauffage
interne. On
donne H = 8 × 10-12 W · kg-1 et C = 103 J · kg-1 · K-1 . Le chauffage interne
suffit-il à produire
de la convection ?
III.2.4. La réaction radioactive la plus importante est la désintégration du
noyau 40 K, qui
a une demi-vie d'environ 109 années. Que peut-on en conclure sur l'importance
de la convection
au début de l'histoire du globe terrestre ?
III.3. Épilogue
III.3.1. Des deux mécanismes de chauffage étudiés, lequel vous semble le plus
important ?
III.3.2. La convection dans le manteau transporte l'énergie thermique depuis le
noyau vers
les couches supérieures du manteau, à des profondeurs d'environ 30 km, où la
température est
voisine de 1000 K. La convection conduit-elle à un gradient géothermique plus
grand ou plus
petit que la conduction thermique seule, étudiée dans la partie II ?
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