ÉCOLE POLYTECHNIQUE
ÉCOLE SUPÉRIEURE DE PHYSIQUE ET DE CHIMIE INDUSTRIELLES
CONCOURS D'ADMISSION 2011
FILIÈRE
PC
COMPOSITION DE PHYSIQUE A (XE)
(Durée : 4 heures)
L'utilisation des calculatrices n'est pas autorisée pour cette épreuve.
Interactions dipolaires entre particules colloïdales
On s'intéresse dans ce problème aux interactions entre des sphères colloïdales
diélectriques
(resp. magnétiques) plongées dans un champ électrique (resp. magnétique). La
partie 1 a pour
but de déterminer quelles sont les forces d'interaction entre deux sphères
colloïdales plongées
dans un champ externe. Dans la partie 2, nous cherchons à déterminer les
caractéristiques de
l'agrégation d'une suspension de telles particules sous champ magnétique. Dans
la partie 3, nous
montrons comment ces objets peuvent être utilisés pour déterminer les
propriétés mécaniques de
gels à l'échelle microscopique. Enfin, la partie 4 traite du mouvement de
dimères dans un champ
magnétique tournant. Les parties 2, 3 et 4 sont largement indépendantes.
Remarque importante : À plusieurs reprises au cours de ce problème, on demande
au
candidat de raisonner par analyse dimensionnelle ou d'évaluer un ordre de
grandeur. Dans ce
cas, le candidat n'essaiera pas d'évaluer les coefficients multiplicatifs sans
dimension, qui seront
omis. De l'ordre de l'unité, ils n'influencent pas l'ordre de grandeur du
résultat.
Données :
Constante de Boltzmann :
k = 1, 38 × 10-23 J · K-1
Température ambiante :
T = 300 K
Viscosité de l'eau :
= 10-3 Pa · s
Perméabilité magnétique du vide :
µ0 = 4 × 10-7 H · m-1
Permittivité diélectrique du vide :
0 = 8, 9 × 10-12 F · m-1
I. Interaction dipôle-dipôle
I.1 Rappeler les expressions du potentiel et du champ électriques créés par une
charge ponctuelle q située à l'origine d'un repère 0xyz. On précisera
soigneusement les notations utilisées.
Représenter sur un schéma l'allure des équipotentielles et des lignes du champ
électrique.
1
I.2 On cherche maintenant à déterminer le champ créé par un dipôle électrique.
On considère
deux charges -q et +q situées respectivement à l'origine et au point de
coordonnées (x = 0, y =
0, z = ), et on note le moment dipolaire p~ = qe~z . Déterminer le potentiel et
le champ électriques
créés par ce dipôle au point M repéré par ses coordonnées sphériques (r, , )
(voir figure 1).
On donnera leurs expressions dans le cadre de l'approximation dipolaire,
c'est-à-dire dans le cas
où r. Nous supposerons dans toute la suite de ce problème que cette condition
de champ
lointain est vérifiée. Représenter les lignes du champ dipolaire sur un schéma.
~ ? Expliquer
I.3 Quelle est l'énergie électrostatique d'un dipôle p~ placé dans un champ
électrique E
qualitativement pourquoi des dipôles libres de se déplacer ont tendance à
s'aggréger.
I.4 On considère maintenant deux dipôles électriques (de même moment dipolaire)
alignés selon
l'axe Oz (~
p = pe~z = qe~z ), l'un étant situé à l'origine du repère, l'autre à la
position ~r, comme
indiqué sur la figure 1. Chaque dipôle est soumis au champ créé par l'autre
dipôle. Dans un
système de coordonnées sphériques, ~r = (r, , ), donner l'expression de
l'énergie électrostatique
d'interaction entre ces deux dipôles. En déduire les composantes de la force
subie par le dipôle
situé en ~r :
ä
3p2 Ä
2
1
-
3
cos
(1)
Fr =
40 r 4
F = -
3p2
cos sin
20 r 4
(2)
z
r
y
O
x
Figure 1. Deux dipôles situés à l'origine et en ~r = (r, , ).
En suivant un raisonnement strictement identique, il est possible de montrer
que ce résultat
décrit également les interactions entre des dipôles magnétiques m
~ = me~z plongés dans un milieu
non magnétique (c'est-à-dire dont la splitéabilité magnétique est égale à µ0 ).
Dans ce cas le
résultat précédent devient :
Fr =
ä
3µ0 m2 Ä
2
1
-
3
cos
4r 4
(3)
3µ0 m2
cos sin
2r 4
(4)
F = -
2
Dans toute la suite de ce problème, nous considérerons le cas de dipôles
magnétiques et nous
utiliserons cette expression de la force magnétique entre particules.
I.5 On considère maintenant des sphères magnétisables de rayon a. Soumises à un
champ ma~ celles-ci acquièrent une aimantation qui résulte en un moment
dipolaire
gnétique externe B,
1
~ où m est la polarisabilité magnétique de la particule. Montrez que m est
induit m
~ =
m B
µ0
homogène à un volume.
Pour une particule sphérique de volume V = 43 a3 constituée d'un matériau très
magnétisable, on peut montrer que m = 3V = 4a3 . Expliquez la dépendance de
cette expression avec
la taille a des particules.
On considère ici que le moment dipolaire des sphères magnétiques est dû
uniquement au
~ = B0 e~z et n'est pas modifié par les interactions entre sphères. Donner
champ uniforme appliqué B
alors l'expression du moment magnétique des sphères plongées dans ce champ. En
déduire la force
d'interaction entre ces particules.
II. Cinétique d'agrégation entre deux particules
Dans cette partie, on cherche à comprendre la cinétique d'agrégation de
particules magnétiques suspendues dans de l'eau et soumises à un champ
magnétique externe uniforme. On
supposera ici que les masses volumiques des particules et du fluide environnant
sont égales.
II.1 On s'intéresse au cas de deux particules. Quelles forces agissent sur les
sphères ? Écrire
l'équation du mouvement.
II.2 Par un raisonnement dimensionnel, donner l'expression de la force de
friction visqueuse sur
une sphère de rayon a en translation à la vitesse ~v dans un liquide de
viscosité . On admettra
que dans cette loi, le préfacteur vaut 6. Dans quelle limite cette expression
est-elle valable ?
~ = B0 e~z .
II.3 On suppose maintenant que le champ magnétique est dirigé selon l'axe Oz : B
On admet également que les deux particules sont situées sur cet axe. Dans le
cas où l'inertie
est négligeable, à quoi se réduit l'équation du mouvement d'une des particules
? On précisera le
domaine de validité de cette dernière approximation, en exprimant le temps
caractéristique lié à
la friction visqueuse.
II.4 À l'instant initial, les particules sont séparées d'une distance r0 qu'on
supposera grande
devant leur rayon : r0 a. Montrer que l'équation du mouvement est à variables
séparables.
L'intégrer et montrer que le mouvement suit une loi de la forme suivante :
1-
t
r5
=
5
b
r0
(5)
où b est un temps caractéristique du mouvement dont on donnera l'expression en
fonction de
r0 , a, , B0 et µ0 . Évaluer l'ordre de grandeur de b pour a = 1 µm, r0 = 10
µm, B0 = 10 mT.
II.5 Dans le cas d'une assemblée de nombreuses particules identiques, on
observe que le temps
issu du modèle à deux particules décrit bien la cinétique d'agrégation de
suspensions dont la
3
distance interparticulaire moyenne est r0 . On note n le nombre moyen de
particules par unité
de volume de la suspension. Quel est le lien entre n et r0 ? Donner en fonction
de n le temps
d'agrégation d'une suspension de sphères.
II.6 Dans des suspensions diluées de petites particules, les interactions
dipolaires sont très faibles.
Expliquez pourquoi.
Les déplacements des petites particules sont alors dominés par l'agitation
thermique. Elles
sont animées d'un mouvement incessant et aléatoire, leurs trajectoires sont
très irrégulières : c'est
le mouvement brownien, décrit pour la première fois par le botaniste Robert
Brown en 1827. À
l'échelle macroscopique, la concentration en particules évolue alors en suivant
un processus de
diffusion, comme celle d'un soluté.
II.7 Rappeler la loi de Fick (on notera D le coefficient de diffusion). En
faisant un bilan de
quantité de particules adapté, établir l'équation de diffusion régissant
l'évolution temporelle de
la concentration en particules.
Einstein a montré en 1905 que le coefficient de diffusion de particules de
rayon a suspendues
kT
où k est la constante de
dans un liquide de viscosité à la température T est D =
6a
Boltzmann. Quelle est la dimension de D ? Évaluer D pour des sphères de rayon a
= 1 µm
suspendues dans de l'eau à température ambiante.
II.8 En écrivant l'équation de diffusion sous forme dimensionnelle, construire
le temps d de
diffusion sur une distance typique r0 . Il est aussi possible de donner une
interprétation microscopique de d : il s'agit du temps pour qu'en moyenne, une
particule s'éloigne d'une distance r0 de
sa position d'origine.
II.9 En déduire que, pour des solutions diluées de petites particules, le
mouvement est séparé
en deux phases : un mouvement initial à caractère diffusif suivi d'une
trajectoire balistique
lorsque les interactions dipolaires dominent l'agitation thermique. Représenter
schématiquement
la trajectoire d'une particule entre l'instant initial et sa rencontre avec une
particule voisine.
Quelles sont typiquement les durées respectives d et b de ces deux phases ?
II.10 L'agrégation de suspensions diluées se fait donc essentiellement par un
processus brownien,
tandis que les suspensions concentrées s'agrègent de manière balistique. Quelle
est la concentration critique n qui sépare ces deux régimes ? On exprimera n
fonction de k, T , a, B0
et µ0 .
Évaluer n pour des suspensions de particules de rayon a = 1 µm, B0 = 10 mT, T =
300 K.
Quel est l'ordre de grandeur de la distance interparticulaire r à la
concentration critique
Comparer r au diamètre des particules.
n ?
III. Mesure de propriétés élastiques à l'échelle submicronique
Nous cherchons dans cette partie à comprendre comment la manipulation de ces
particules
magnétiques peut être utilisée pour sonder les propriétés élastiques
d'échantillons de taille in4
férieure au micromètre. Par simplicité, nous considérons deux particules
cylindriques de rayon
R = a et de hauteur h = a où est un coefficient numérique d'ordre unité (voir
figure 2).
Les axes des cylindres coïncident avec l'axe Oz. Nous considérons que
l'application d'un champ
magnétique induit pour chaque cylindre un moment dipolaire identique à celui
qu'aurait une
sphère de rayon a. Le matériau à tester (non magnétique), coincé entre les deux
cylindres, forme
un disque de rayon R. En l'absence de champ appliqué, l'épaisseur de cette
lamelle vaut 0 a.
R
h
~
B
Figure 2. Deux particules magnétiques cylindriques séparées par une couche de
matériau test d'épaisseur . Le champ magnétique est aligné avec l'axe des
cylindres.
~ = B0 e~z . Dans cette configuIII.1 On applique dans l'axe des cylindres un
champ magnétique B
ration, à quoi se réduit la force d'attraction entre les deux cylindres ? On
donnera son expression
en particulier en fonction de h et de l'épaisseur du matériau test.
III.2 Le matériau test élastique résiste à la compression avec une force Fc qui
dépend du taux
de compression = (0 - )/0 :
Fc = R2 Y
(6)
où Y est le module d'Young du matériau. Donner la signification physique et
l'unité de Y .
III.3 Montrer alors qu'en mesurant la distance entre les centres des cylindres
en fonction du
champ magnétique, il est possible de mesurer le module d'Young Y du matériau
étudié.
III.4 Application : on s'intéresse aux propriétés mécaniques d'un gel d'actine,
qui est une protéine essentielle dans l'architecture (le cytosquelette) et les
mouvements des cellules vivantes.
Il est possible de coincer entre des particules magnétiques une couche de ce
gel. L'épaisseur de
l'échantillon hors charge vaut 0 = 100 nm. En présence d'un champ de 10 mT, on
mesure
= 80 nm. En déduire une estimation du module d'Young du gel d'actine.
III.5 En pratique, les variations d'épaisseur de la couche de gel testé sont
très faibles au cours
de l'expérience. La distance entre les deux particules (qui sont des sphères
dans l'expérience
réelle) est réalisée de la façon suivante : sur une image de microscopie à fort
grandissement des
deux particules, on détecte les contours de ces sphères, et on ajuste ces
données par des cercles.
Cette méthode permet une détection de la position du centre des particules avec
une très grande
précision. Expliquez qualitativement pourquoi ce protocole consistant à
détecter tout un profil
5
est plus précis qu'une méthode qui consisterait à mesurer directement la
distance entre deux
points (les points les plus proches des sphères, par exemple).
Mouvement dans un champ tournant
Dans cette partie, nous nous intéressons au mouvement d'un dimère de particules
magnétiques dans un champ magnétique tournant. Des techniques de ce type sont
par exemple utilisées
pour caractériser les propriétés rhéologiques locales (viscosité et élasticité)
de certains fluides
complexes comme des cellules vivantes.
IV.1 On considère un dimère rigide constitué de deux particules magnétiques de
rayon a au
~ contenu dans le plan Oxz et
contact. Cet objet est plongé dans un champ magnétique statique B
~
d'intensité B0 (kBk = B0 ). On admet que chacune des particules du dimère
acquiert un moment
dipolaire égal à celui d'une particule libre. L'axe reliant les centres des
particules est également
contenu dans le plan Oxz. Il fait un angle avec le champ magnétique appliqué
et un angle avec
l'axe Oz (voir figure 3). En reprenant l'analogie de la partie I.4, calculer
l'énergie magnétique
dEB -
-
-
EB de l'agrégat dans ce champ. En déduire le couple magnétique B =
e
y = B ey auquel
d
est soumis ce dimère. Tracer B en fonction de l'angle . Quelles sont les
positions d'équilibre
de ce dimère ? Vous en discuterez brièvement la stabilité.
z
~
B
-
e
y
O
x
Figure 3. Dimère de sphères magnétiques de rayon a au contact soumises à un
champ magné~
tique B.
IV.2 On considère à présent le dimère dans une situation dynamique. La présence
du fluide environnant freine l'alignement du dimère avec le champ magnétique.
La force de friction visqueuse
sur une sphère en translation à vitesse V est connue. Pour un dimère constitué
de deux sphères
de rayon a au contact, on montre que le couple visqueux résistant à la rotation
est de l'ordre de :
-
v -a3 -
e
y
(7)
où est la vitesse angulaire de rotation du dimère. Commentez ce résultat. Le
préfacteur numérique qui complète ce résultat dimensionnel est difficile à
calculer en pratique, mais c'est un
nombre de l'ordre de l'unité. Dans un souci de simplicité, nous le choisirons
égal à 1 dans ce qui
suit.
6
IV.3 On suppose maintenant qu'on applique un champ tournant dans le plan Oxz à
la pulsation
~ = B0 (sin (t)e~x + cos (t)e~z ). À l'instant initial, le champ et l'axe du
(voir figure 4) : B
dimère sont alignés selon l'axe Oz : = = 0. On admet par ailleurs que le
moment dipolaire
porté par chacune des deux sphères suit instantanément les variations du champ
magnétique. En
considérant que seuls les couples magnétique et visqueux sont en jeu, écrire
l'équation régissant
la rotation du dimère soumis au champ tournant.
z
t
~
B
-
e
y
O
x
Figure 4. Dimère de sphères magnétiques de rayon a au contact soumises à un
champ magnétique
tournant.
IV.4 En régime stationnaire, que vaut l'angle entre le champ magnétique et
l'axe du dimère ?
En déduire une méthode de mesure de viscosité du liquide dans lequel les
particules sont plongées.
IV.5 À quelle condition existe-t-il un régime stationnaire ? On déterminera la
fréquence de
décrochage au-delà de laquelle le régime stationnaire n'existe plus. Décrire
qualitativement le
mouvement dans le cas où > , et tracer la courbe (t) correspondante.
7