ECOLE POLYTECHNIQUE
ESPCI
CONCOURS D'ADMISSION 2023
MARDI 18 AVRIL 2023
08h00 - 12h00
FILIERE PC - Epreuve n° 3
PHYSIQUE A (XE)
Durée : 4 heures
L'utilisation des calculatrices n'est pas
autorisée pour cette épreuve
Forger les métaux grâce à l'induction électromagnétique
La découverte du phénomène d'induction électromagnétique par Oersted et Faraday
au XIX* siècle
a enclenché une révolution dans la modernité, conduisant notamment à
l'invention de l'alterna-
teur ou de moteur. Dans la vie de tous les jours, on connait également l'usage
de l'induction
électromagnétique comme dans le cas des plaques de cuisson.
Depuis quelques années, des dispositifs de chauffage par induction ont été
développés dans le
domaine de la forge. L'intérêt est de chauffer sans contact du métal, avec un
excellent rendement
énergétique puisque l'énergie électrique est convertie sous forme de chaleur au
sein du maté-
riau à chauffer. Cette technique de forge présente de par sa nature un bilan
carbone quasi-nul,
contrairement à la forge classique qui fait appel à la combustion. Dans ce
sujet on s'intéresse au
fonctionnement d'un tel dispositif et nous cherchons à mettre en évidence les
différents phéno-
mènes physiques en jeu.
Les parties 1, 2 et 3 sont indépendantes ; la dernière question (32) fait appel
à certains résultats
de la partie 2.
FIGURE 1 --- Métal chauffé par induction électromagnétique Crédits : David Hyde
1 Rayonnement de l'acier chauffé et température de couleur
Dans cette partie, on se place du côté du forgeron qui utilise un tel système
de chauffe. On
considère le régime permanent de chauffe d'une pièce en acier cylindrique.
Aïnsi, on suppose
qu'à un instant {, la température de la pièce métallique est constante, notée 7.
Lorsqu'un corps est à température non nulle, il émet un rayonnement
électromagnétique. L'ob-
jectif de cette partie est d'interpréter la couleur perçue par le forgeron pour
un acier chauffé par
induction. On prendra comme cas de référence un acier chauffé à 1000 K, qui
apparaît de couleur
rouge-orangée.
1.1 Modèle du corps noir
Pour cette section, on assimile l'acier à un corps noir. Dans ce cas, le
spectre rayonné s'obtient
à l'aide de la loi de Planck :
2rhc? 1
he
À ekBT _ il
L'(1T) --
-- LV(X,T) la puissance spectrale surfacique, ou irradiance spectrale (exprimée
en
Jim *.s 1);
À
--_ = Ta longueur d'onde (en m) dans un milieu d'indice de réfraction n ;
n
-- h = 6,63.10 7% J.s la constante de Planck ;
-- C-- D avec co = 3.109 m.s ! la célérité de la lumière dans le vide:
n
-- kp = 1,38.10 7 J.K-{ la constante de Boltzmann
-- T la température de la surface du corps (en K) ;
À
98% de l'énergie du spectre émis par un corps noir est compris dans
l'intervalle | D 8x
OÙ ÀAmax st la longueur d'onde correspondant au maximum d'irradiance.
1. La loi de Wien permet de relier la longueur d'onde correspondant au maximum
d'irradiance
lumineuse donné par la loi de Planck en fonction de la température de surface
du corps noir
chauffé :
Amax X T' = 2,899.10 7° K.m
Démontrer cette loi à partir de la loi de Planck, en calculant une valeur
approchée de l'extremum.
On considèrera que la solution de l'équation e7*
x
= ] -- -- vaut x & 5.
5
2. On peut également démontrer une autre loi à partir de la loi de Planck, la
loi de Stefan-
Boltzmann. En intégrant la loi de Planck sur l'ensemble du spectre
électromagnétique, montrer
que la puissance surfacique rayonnée se met sous la forme :
27° k$
Pau = 001% avec 00 = =
C4 15h°c2
+00 3 À
Donnée : [ © dx = un
0 e? -- ] 15
3. D'après la loi de Planck, quelle est la longueur d'onde maximale d'émission
pour une tempéra-
ture de chauffe de 1000 K ? Quelle puissance surfacique de ce spectre est
située dans le domaine
visible ? Discuter de la cohérence de vos résultats à l'aide de la figure 2 .
4. Le spectre observé à 1000 K est-il en accord avec la couleur jaune-orangée
observée ?
Spectres d'émissions de corps noirs-- Loi de Planck
10
10 + Fr me") Li Tr F VEreN T T FT TT
Irradiance spectrale (W/(m? um)
10 *
Irradiance spectrale par angle solide (W/(m? 1m sr)
10? L L En, 1 iisl 1 L EE DR OS LE L L D OR RD DE
0.1
1 10 100
Longueur d'onde (11m)
FIGURE 2 --- Loi de Planck pour plusieurs températures. Crédits : CC BY-SA 4.0
1.2 Modèle du corps gris
Pour un corps réel, le spectre émis ne correspond pas toujours à celui du
modèle du corps noir.
Il faut tenir compte d'un facteur correctif appelé émissivité, EUR. Elle est
définie comme le rapport
entre l'irradiance spectrale réelle du corps à une température donnée L (À,T),
et celle émise par
un corps noir à la même température LV (À, T) :
_ LOT)
_ L(XT)
EUR
L'émissivité des matériaux varie en fonction de la structure de la surface
(rugosité et composition
chimique notamment), et n'est pas constante en fonction de la longueur d'onde
d'émission. Cette
dépendance spectrale n'étant pas triviale à définir et à modéliser pour tous
les matériaux, on
considère successivement deux modèles simplifiés :
-- Une émissivité moyenne constante, indépendante de la longueur d'onde.
-- Une émissivité variant avec la température.
5. Dans le cas du premier modèle, où l'émissivité est supposée constante,
décrire comment évo-
luent les lois de Wien et de Stefan-Boltzmann. Tracer alors sur un même
graphique l'allure du
spectre du corps noir et celui du corps gris avec &ucier = 0,7.
6. Dans le cas du deuxième modèle, on suppose que l'émissivité dépend de la
température. Cette
variation est caractérisée par la loi empirique suivante :
hc
X..kBT
max
--a--bT avec a--5 et b--6.10 *K-!
Pour une température de 1000 K, estimer X,,,.,, la déviation subie par Amar
Suivant ce modèle.
Qu'en est-il de la loi de Stefan ? Ces changements éventuels permettent-ils de
relier directement
la loi de Wien à la couleur observée du métal chauffé ?
1.3 La température de couleur, l'outil du forgeron
Lorsqu'il chauffe un métal, un forgeron se sert de la couleur perçue pour
déterminer la tempéra-
ture en temps réel du métal. Il se sert d'un étalonnage visuel, notion que l'on
appelle « tempé-
rature de couleur ». Il s'agit de la température qu'aurait un corps noir
émettant un spectre dont
le maximum d'irradiance spectrale correspond à la couleur perçue de l'objet.
Pour comprendre la couleur perçue d'un objet, il faut tenir compte des
photorécepteurs de l'oeil
responsables de l'interprétation de la couleur : les cônes. L'oeil humain
présente sur la rétine
une multitude de cellules présentant chacune trois cônes, permettant de capter
les trois couleurs
primaires en synthèse additive (le bleu, le vert et le rouge) avec une certaine
bande passante. On
donne la courbe des fonctions colorimétriques des cônes de l'oeil humain dans
la figure 3.
2.0
bleu
1.5
rouge
1.0
0.5
0.0
400 500 600 700
À/nm
FIGURE 3 - Fonctions colorimétriques des cônes de l'oeil humain. Crédits : By
User :Acdx - Own work,
CC BY-SA 4.0
7. Représenter l'allure du spectre d'un corps noir chauffé à 1000 K. Superposer
sur le même
graphique l'allure des fonctions colorimétriques de l'oeil. Interpréter la
couleur rouge-orangée
observée de l'acier lorsqu'il est chauffé à 1000 K en intégrant le spectre émis
avec une pondération
donnée par les fonctions colorimétriques de l'oeil. À quelle température de
couleur cela correspond-
il ?
2 Problème électromagnétique
Dans cette partie, on s'intéresse à l'origine microscopique de l'échauffement
de la pièce d'acier,
à savoir le phénomène d'induction électromagnétique. L'objectif est de trouver
les meilleurs
paramètres de travail pour optimiser la puissance transmise à la pièce
métallique.
2.1 Inducteur placé au dessus d'une plaque semi-infinie
Dans un premier temps, on s'intéresse à une plaque d'acier semi-infinie
contenue dans le demi-
espace z > 0. On utilise un inducteur placé en-dessous de la plaque pour
générer un champ
magnétique homogène aligné suivant l'axe (Ox) à la surface de celle-ci. On
cherche à déterminer
les courants induits dans la pièce d'acier. Pour cela, nous devons calculer les
champs magnétique
(7 ,t) et électrique É(F, t) dans l'acier.
Dans le contexte de ce problème, les équations de Maxwell s'écrivent :
div = (0
divÉ = (0
6 - 08
(rotB = polir J
où on à introduit 4, appelée splitéabilité relative, qui permet de tenir compte
des propriétés
magnétiques de l'acier.
8. Donner la relation reliant les courants induits J en fonction du champ
électrique É en prenant
soin de détailler la constante introduite et ses unités.
9. Définir les symétries et invariances du système afin de réduire le nombre de
composantes non
nulles et leurs dépendances.
10. Établir l'équation vérifiée par l'unique composante non nulle du champ É
lorsque l'excitation
est sinusoïdale à la pulsation w (on choisira la convention (PF, t) = B(r jet),
11. Déterminer la solution de cette équation (en introduisant B, la valeur de B
en 2 = 0). On
prendra soin d'introduire une épaisseur de peau Ô à définir.
12. Tracer l'évolution du module |B(z)| et discuter de l'influence de la
fréquence et de la per-
méabilité relative 4, du matériau.
--
13. Montrer que la puissance volumique dissipée par effet Joule P7 -- To |E A
B°| peut se
mettre sous la forme :
22
P7 -- Pje Ô
Ce premier calcul est un cas de référence sur lequel on essaie de se ramener
lorsque la géométrie
est modifiée.
2.2 Inducteur enroulé autour d'une plaque métallique
Passons au cas d'une géométrie plus proche de la réalité. On considère
désormais une plaque
métallique comme représentée sur le schéma suivant :
AK y |
14. En adaptant les équations de Maxwell à la nouvelle géométrie du problème
(considérée
comme infinie dans la direction Ox), déterminer l'équation vérifiée par le
champ B lorsque les
bobines sont traversées par des courants sinusoïdaux à la pulsation w.
15. Dans l'hypothèse d'une plaque mince (h EUR d) on peut négliger la
dépendance suivant y.
Dans ce cas, écrire le champ magnétique dans la plaque. On notera à nouveau B,
le champ
magnétique à la surface.
16. Exprimer le vecteur densité de courant JT.
17. Montrer que la puissance dissipée par effet Joule sur une épaisseur de la
plaque se met sous
h
la forme : Pr = Pof(é) où Po est identique à celui de la question 13, £ est
défini par £ -- 25 et :
shé -- siné
J(6) = Ch£ + cos EUR
18. On donne l'allure de la fonction f sur la courbe suivante :
f(É)A
lt
En s'aidant de la figure, déterminer quelle est la meilleure fréquence de
travail pour maximiser la
puissance dissipée par effet Joule dans la plaque. Cette valeur vous
paraît-elle raisonnable pour
une plaque d'1 mm d'épaisseur faite d'acier (de splitéabilité relative 4, -- 100
et de conductivité
électrique a = 107 S/m.) ?
3 Étude du problème thermique
Dans cette partie, on cherche à établir l'évolution de la température au sein
du matériau. Pour
cela, on considère à nouveau un matériau semi-infini situé dans le demi-espace
z > O excité par
un champ magnétique uniforme à son interface.
3.1 Évolution de la température dans un matériau isolé
Dans cette partie, on suppose que la seule source de chaleur est la puissance
induite par effet Joule
(résultat de la question 13) et on suppose le matériau isolé thermiquement de
son environnement.
19. Montrer que dans ces conditions l'équation vérifiée par le champ de
température T'(2,t) au
sein du matériau peut s'écrire sous la forme :
OT(z,t) 0 T(st)
Po gg ge PU)
où p est la masse volumique, c, la capacité thermique massique à pression
constante et k la
conductivité thermique du matériau. Expliquer chaque terme de cette équation.
20. On émet l'hypothèse d'un fort confinement de la source inductive. Dans ces
conditions,
montrer que la puissance volumique devient une puissance surfacique dont on
définit la valeur
en intégrant le résultat de la question 13 pour z allant de 0 à +oo. On
introduira la notation
2F
P, -- TZ
Ô
21. Réécrire l'équation vérifiée par la variable réduite T(z,t) = T(z,t) -- Th
où Th est la tem-
pérature ambiante de l'air autour de la pièce avant le chauffage. Vérifier que
les conditions aux
limites du problème se mettent sous la forme :
(T(z,t = 0) = 0
OT
k -- -- --P,
OZ
\ z=0
Pour résoudre cette équation il est d'usage d'utiliser une transformation
mathématique, appelée
transformation de Laplace. Cette transformation étant hors programme on vous
propose un
exemple pour vous approprier la méthodologie.
Transformation de Laplace :
La transformée de Laplace d'une fonction f(t) définie sur ]0,o{ est la fonction
f(s) de la
variable s (que l'on note par abus f(s)) donnée par :
@,e)
fs = fe tro
(
Pour résoudre un système d'équations aux dérivées partielles, on "transforme"
nos équations
différentielles afin de travailler sur la fonction f(s) en utilisant la table
de transformées de
Laplace suivante :
J(t) J(s)
f'(t) sf(s) -- f(t = 0)
ff) sf(t-0)- F0)
Of(x;t) Of(x,s)
Ox Ox
A=constante 4
At -
AVI SN
A AVR
Vt Vs
ar Es
Ae" T LÉ
Atrett Fe
Puis on calcule finalement f(t) à partir des mêmes tables.
d?z(t)
e e e e e e dt?
les conditions initiales Z(EUR = 0) = vo et 2(t = 0) = 0.
En prenant la transformée de Laplace de notre système on obtient :
Exemple : On cherche à résoudre l'équation : -- g (g est une constante) avec
2 g L . g VO
-- SX 0 -- = -- dd' t = + + --
s 2(s) s Vo . où on tire 2(s) 3 2
Finalement, en appliquant la transformation de Laplace inverse terme à terme on
obtient :
2
L
z(t) -- _. + ÉVO
22. Réaliser la transformation de Laplace de l'équation précédente et donner la
solution dans le
domaine de Laplace du champ de température T'(z, 5).
Malgré l'aide de la transformée de Laplace, dans ce problème il reste
finalement difficile d'expri-
mer la solution T(z,t). Cependant, on peut aisément trouver les comportements
asymptotiques.
23. On propose de calculer dans un premier temps un développement limité à
l'ordre 1 en z
lorsque z -- 0 de T(z2,5). Puis, en utilisant la table de transformées de
Laplace, calculer le
comportement de T(z,t) au voisinage de z = 0.
24. À partir des comportements limites, tracer l'allure de T(z,t) à t fixé.
25. Tracer finalement l'allure de T (z = 0,t) en fonction du temps. Commenter
la dépendance
en temps de la solution trouvée ainsi que la solution aux temps longs. Selon ce
modèle, peut-on
atteindre la température de fusion de l'acier ?
3.2 Ajout du transfert conducto-convectif
Désormais, on tient compte du transfert conducto-convectif ayant lieu à
l'interface entre la plaque
et l'air environnant. Cela modifie la condition limite à l'interface z = 0 :
OT =
k -- = --P,; + AT(0,t
Oz ° (0, à)
z=0
26. En déduire la nouvelle solution du champ de température T(z, s).
27. Évaluer la valeur finale du champ de température en utilisant le théorème
de la valeur finale :
lim T(2,t) = lim sT(z,s)
t--+oo s--0
28. Que devient l'expression précédente de T(z. s) lorsque 5 -- +oo ? Sachant
que cette limite
équivaut à regarder ce qu'il se passe au voisinage de { -- 0, commenter ce
résultat au regard du
résultat obtenu en l'absence de convection.
29. Tracer l'allure de T (z = 0,t) en précisant les comportements asymptotiques
décrits précé-
demment. Sous quelle condition peut-on atteindre la fusion de l'acier ?
3.3 Ajout du rayonnement
30. Finalement il faut ajouter les pertes par rayonnements étudiées dans la
partie 1, qui sont
données par la loi de Stefan-Boltzmann corrigée : Pray = EUR007 # où l'on a
introduit les grandeurs
suivantes :
-- Pray St la puissance surfacique rayonnée
-- 69 =5,67.10 W.m _?.K-* la constante de Stefan-Boltzmann
-- T'la température de surface (en K)
-- EUR le coefficient d'émissivité du matériau (0 < EUR < 1) considéré comme égal à 1 ici. Comparer les termes convectifs (h -- 10 W.m ?.K-!) et radiatifs pour des températures com- prises entre 20°C et 1200°C. Déterminer ainsi les hypothèses simplificatrices qui peuvent être faites selon la gamme de températures dans laquelle se situe le métal. 31. Le forgeron observe la couleur de son métal avant que celui-ci ne fonde vers 1500 °C. Est-ce cohérent avec les comportements trouvés ? Quel rôle joue le rayonnement vis-à-vis de la puissance à fournir au cours de la chauffe ? 3.4 Température de Curie 32. Dans le cas de l'acier, un autre phénomène surprenant s'ajoute au problème : pour une température proche de 760 °C, appelée température de Curie (T.), les propriétés magnétiques de l'acier changent. Il passe subitement de l'état de ferromagnétique y, > 1 à
l'état paramagnétique
(u, & 1). À partir des observations faites dans les sections précédentes
(profil de température et
courants induits) décrire la distribution de température pour l'interface d'un
milieu semi-infini
dans les trois cas suivants :
-- TT.
-- TIST.
-- TART,
10