ECOLE POLYTECHNIQUE
ESPCI
CONCOURS D'ADMISSION 2024
MARDI 16 AVRIL 2024
08h00 - 12h00
FILIERE PC - Epreuve n° 3
PHYSIQUE A (XE)
Durée : 4 heures
L'utilisation des calculatrices n'est pas
autorisée pour cette épreuve
Mouvements de la photosphère du Soleil
On se contentera de réponses courtes, sauf lorsqu'il est demandé de justifier
un résultat donné.
Les applications numériques seront données avec un seul chiffre significatif.
Mesurer les mouvements de la couche superficielle du Soleil, dite photosphère,
permet
d'avoir des informations sur la rotation de notre étoile, ses oscillations
internes, et son champ
magnétique. Dans la première partie, nous allons nous intéresser à un
dispositif optique qui
permet la mesure de ces mouvements, l'instrument MDI (Michelson Doppler Imager)
embarqué
à bord du satellite SOHO (Observatoire solaire et héliosphérique), lancé en
1995. La seconde
partie sera consacrée à l'utilisation de ces observations pour mesurer les
oscillations internes
du Soleil, et à l'interprétation de celles-ci. Les différentes parties sont
dans une large mesure
indépendantes.
I -- Principe du dispositif optique
l = -- _
8 CT
2 08 | -
É
= 0,6 -
(=
2 04 _
= Ni
É 02 | _
O0 l l | l l | |
675 675,5 676 676,5 677 677,5 678 678,5 679
À [nm]
FIGURE 1 -- Détail du spectre du rayonnement solaire autour de la raie du
nickel. /Source :
BASS2000 -- Observatoire de Paris-Meudon -- LESTA.)
Le principe est de mesurer la vitesse radiale (projection de la vitesse sur la
direction d'obser-
vation) de chaque point de la photosphère. On utilise pour cela le fait que le
spectre de la lumière
issue du Soleil présente plusieurs creux très étroits (voir figure 1) résultant
de l'absorption de
la lumière par divers atomes présents dans le Soleil. Ces creux, nommés
"raies", correspondent
à des transitions électroniques entre deux niveaux d'un atome. Lorsque la
photosphère est en
mouvement, les positions observées des raies sont légèrement déplacées par
effet Doppler.
Le choix technique de l'instrument MDI est d'utiliser une seule de ces raies,
centrée sur la
longueur d'onde A6 = 676,778 nm, d'une largeur de 0,012 nm, correspondant à une
transition
électronique de l'atome de nickel, et que nous désignerons par "raie du
nickel". MDI mesure
l'intensité lumineuse dans cinq intervalles de longueur d'onde très étroits
couvrant cette raie,
repérée par le symbole Ni sur la figure 1.
Interféromètres de Michelson
Le premier défi est de ne laisser passer la lumière que dans un intervalle de
longueur d'onde
très petit et contrôlé. Ce filtrage se décompose en plusieurs étapes. Un
premier dispositif, dit
filtre de Lyot, que nous n'étudierons pas, ne laisse passer la lumière que dans
une bande passante
de 0,047 nm autour de la raie du nickel. Pour affiner encore le filtrage, on
utilise un dispositif
constitué de deux interféromètres de Michelson associés en série, que nous
allons étudier plus en
détail.
1. Dans quel domaine du spectre électromagnétique la raie du nickel est-elle
située ?
2. Le premier interféromètre de Michelson est équivalent à une lame d'air à
faces parallèles
d'épaisseur d -- 6 mm. Dessiner le schéma de l'interféromètre de Michelson, et
nommer ses
éléments constitutifs essentiels.
3. On suppose dans tout ce qui suit que les rayons frappent les miroirs de
l'interféromètre sous
incidence normale. Donner alors l'expression de l'ordre d'interférence p en
fonction de d et de la
longueur d'onde À du rayonnement incident.
4. On note po la valeur de p pour À = Ào. Calculer sa valeur approximative.
5. Déterminer l'expression de l'intensité à la sortie de l'interféromètre de
Michelson en fonction
de p, en notant 4 sa valeur maximale.
6. On suppose » entier. Déterminer l'expression de l'intensité transmise pour
une longueur
d'onde 19+0X, avec [0 À] A0. Quel est l'intervalle de longueur d'onde entre
deux pics d'intensité,
dit intervalle spectral libre ?
7. Calculer numériquement la valeur de cet intervalle.
8. L'instrument MDI comprend un second interféromètre de Michelson, équivalent
à une lame
d'air d'épaisseur 2d. Quel est, pour ce second interféromètre seul,
l'intervalle spectral libre ?
9. Le deuxième interféromètre de Michelson est placé à la sortie du premier. On
ne se préoccupera
pas de la lumière réfléchie par le deuxième interféromètre vers le premier.
Déterminer l'expression
de l'intensité transmise en sortie du deuxième interféromètre, en fonction de
À. On notera de
nouveau Î, l'intensité maximale.
S LF
£
Z 08 -
E
e 0,6 :
E
2 04 -
3 02 -
9 ph LX ATOVAN AW
0,1 -0,05 0 0,05 0,1
FIGURE 2 -- Décomposition du filtrage opéré par l'instrument MDI en fonction de
0À. La ligne
pointillée représente la raie du nickel, la ligne tiretée le coefficient de
transmission du filtre
de Lyot placé en entrée, et la ligne pleine le coefficient de transmission du
système des deux
interféromètres de Michelson qui le suit.
10. Vérifiez que la courbe représentée en trait plein sur la figure 2 est en
accord avec le résultat
de la question précédente. Vous détaillerez votre réponse et préciserez la
position des points
remarquables.
11. Quelle est l'action combinée du filtre de Lyot et des deux interféromètres
de Michelson, en
vous appuyant sur la figure 2 ?
Utilisation de la polarisation
Le second défi est de pouvoir modifier très légèrement la valeur de la longueur
d'onde cor-
respondant au pic d'intensité. On modifie pour cela les interféromètres de
Michelson décrits
précédemment en y ajoutant plusieurs éléments nouveaux agissant sur la
polarisation de la
lumière.
Dans tout ce qui suit, on ne considère, pour simplifier, qu'un seul des deux
interféromètres de
Michelson. On note II le plan contenant la trajectoire du rayon lumineux dans
l'interféromètre.
Dans le cas d'une polarisation rectiligne, on désigne par $ une onde polarisée
perpendiculaire-
ment à Il, et par P une onde polarisée parallèlement à II. On remplace la lame
séparatrice de
l'interféromètre par une lame qui réfléchit totalement les ondes $, et transmet
totalement les
ondes P.
12. Dessiner la trajectoire du rayon lumineux dans l'interféromètre pour une
onde $;, puis pour
une onde P. Expliquer pourquoi un tel dispositif est sans intérêt.
13. On modifie le dispositif en collant sur chacun des deux miroirs de
l'interféromètre une lame
quart d'onde dont la ligne neutre fait un angle 7% par rapport au plan Il.
Cette lame quart
d'onde est traversée deux fois, avant et après réflexion sur le miroir, et se
comporte donc comme
une lame demi-onde. On rappelle que si une onde de polarisation rectiligne
traverse une lame
demi-onde, la polarisation en sortie est toujours rectiligne, avec une
direction de polarisation
symétrique de celle d'entrée par rapport à la ligne neutre. Quelle est son
action sur une onde
S ? Sur une onde P ?
14. Dessiner la trajectoire du rayon lumineux dans ce nouveau dispositif pour
une onde polarisée
S'en entrée, puis pour une onde polarisée P en entrée. À chaque étape de la
trajectoire, vous
préciserez l'état de polarisation de l'onde.
15. On place devant l'entrée de l'interféromètre de Michelson un polariseur
dont l'axe forme
un angle de 7 avec le plan IT. Quel est alors l'état de polarisation de l'onde
à la sortie de
l'interféromètre ? Expliquer pourquoi on n'observe pas d'interférences avec ce
dispositif.
16. On place à la sortie de l'interféromètre de Michelson une lame quart d'onde
dont la ligne
neutre forme un angle de % avec le plan IT. On admet qu'après cette lame, la
polarisation de
l'onde est rectiligne et fait un angle rp avec la ligne neutre de la lame, où
l'expression de p a
été obtenue à la question 3. Vérifier ce résultat dans le cas où p est entier.
17. On place enfin, à la suite du dispositif précédent, un polariseur linéaire.
Expliquer comment,
en variant l'orientation de ce polariseur, on peut obtenir le résultat cherché,
et varier la longueur
d'onde correspondant au pic d'intensité.
Cartographie de la vitesse de la photosphère
18. L'ensemble du dispositif est placé dans un télescope équivalent à une
lentille mince de
longueur focale f -- 1,867 m. On place un capteur photographique électronique
dans le plan
focal. Ce capteur est formé d'un réseau carré comportant 1024 X 1024 pixels,
dont le pas est de
21 um. Le diamètre angulaire du Soleil vu du satellite est À = 9 x 10° rad. Les
dimensions du
capteur lui permettent-elles d'observer l'intégralité de la photosphère solaire
?
19. Chaque pixel du capteur mesure successivement l'intensité lumineuse autour
de 5 longueurs
d'onde À équidistantes. On note F3, F3, F0, F5, FA ces intensités, par ordre
croissant de À.
Le dispositif est calibré de telle sorte que F corresponde au centre de la raie
du nickel, qui est
parfaitement symétrique, si la photosphère est immobile. On mesure les
combinaisons suivantes :
A = H+A+B+B+F
B = (FM -F) +(P-F)
C = FF --- F1 + F5 -- F3. (1)
La photosphère est en mouvement à une vitesse radiale v par rapport au
satellite. Identifier,
parmi les combinaisons À, B et C', laquelle est susceptible d'être
proportionnelle à v.
20. La vitesse de la photosphère vient en premier lieu de la rotation du
Soleil, dont l'axe de
rotation est perpendiculaire au plan de l'orbite de la Terre, dans lequel se
trouve également le
satellite SOHO. On choisit un système de coordonnées cartésiennes (x,y,2) dont
l'origine © est
le centre du Soleil, l'axe Oy est l'axe de rotation du Soleil, et l'axe OZ la
droite joignant le centre
du Soleil au satellite. Exprimer la vitesse radiale d'un point de la
photosphère en fonction de la
vitesse angulaire ( du Soleil et des coordonnées, en précisant la convention
choisie pour le sens
de rotation.
21. Cette vitesse radiale v atteint la valeur 2 x 10° m:s_! près de l'équateur
du Soleil. Que vaut
alors le déplacement 0À de la raie du nickel résultant de l'effet Doppler ? On
rappelle que la
vitesse de la lumière dans le vide vaut 3 x 10° m:s_!. Comment 6} se
compare-t-il à la largeur
de la raie ? Commenter.
II -- Éléments de physique des oscillations solaires
Outre son mouvement de rotation global, le Soleil présente des mouvements
internes de faible
amplitude qui peuvent être modélisés comme des ondes acoustiques, à l'étude
desquelles cette
deuxième partie est consacrée. On effectuera d'abord une modélisation dans
laquelle la vitesse
du son est uniforme dans une couche d'épaisseur À au-dessous de la surface du
Soleil. Bien que
non réaliste, cette modélisation permettra de comprendre les bases du phénomène
étudié. Dans
un second temps, on étudiera le cas plus réaliste où la vitesse du son dépend
de la distance au
centre du Soleil. On négligera, dans toute cette partie, les effets liés à la
rotation du Soleil.
Modèle de fluide uniforme
22. Soit un fluide homogène au repos, isolé, de pression uniforme F5, dans
lequel se propage une
onde acoustique dans la direction x. On décompose la pression en P(x,t) = Pi
+p(xt), où p(x;t)
est une surpression de faible amplitude. Établir l'équation de propagation de
la surpression dans
l'approximation acoustique. Dans cette partie, on notera c la vitesse du son
dans le fluide.
23. Rappelez, sans démonstration, la généralisation de cette équation à trois
dimensions.
Nous allons étudier des mouvements internes cantonnés aux couches supérieures
du Soleil.
Nous supposons plus précisément que l'onde acoustique est cantonnée à une
couche d'épaisseur
H, beaucoup plus petite que le rayon À du Soleil. Par ailleurs, afin d'éviter
les complexités liées
à la géométrie sphérique, nous nous limitons dans tout ce qui suit à une
géométrie plus simple.
Nous étudions la propagation dans une bande étroite de largeur constante (très
petite devant
R), faisant tout le tour du Soleil en suivant l'équateur. On note x l'abscisse
curviligne le long de
cette bande et z la coordonnée verticale orientée vers le haut, qui varie entre
--A et 0, où z = 0
définit la surface du Soleil. On cherche des modes d'oscillation de la forme
plr,zt) = Re lefRer-wt) ff] (2)
où nous avons introduit la représentation complexe, et Re|7] désigne la partie
réelle du complexe
Z.
24. Les quantités physiques doivent être périodiques en x, de période 27 kR,
correspondant à un
tour complet autour du Soleil. Quelles sont alors les valeurs possibles de k, ?
On les repérera
par un entier |.
25. Les données du capteur photographique de l'instrument MDI sont traitées par
ordinateur.
Par analyse de Fourier, on parvient à séparer les contributions des différentes
valeurs de {. On
4
parvient à reconstruire les modes jusqu'à environ { = 200. Expliquez pourquoi
ce nombre est
plausible, au vu des caractéristiques techniques du capteur indiquées question
18.
26. On néglige la gravité, de telle sorte que l'équation de propagation de la
surpression
déterminée plus haut s'applique. On traite les coordonnées x et z comme des
coordonnées
cartésiennes, ce qui est justifié par l'hypothèse d'ondes peu profondes. Écrire
l'équation
différentielle satisfaite par f(z).
27. On postule les conditions aux limites f'(--H) -- 0 et f(0) -- 0.
Interpréter physiquement ces
conditions aux limites.
28. Résoudre l'équation différentielle avec ces conditions aux limites. En
déduire les pulsations
des modes propres pour k, donné, que l'on classera par ordre croissant en les
repérant par un
entier n positif ou nul et qu'on notera w,.
29. Représenter sur un même graphique la variation de wo, wi et w2 en fonction
de k, dans ce
modèle.
30. Montrer que la famille de courbes w,(k;), avec n > 0, se réduit à une
courbe unique si on
choisit d'exprimer Y = (n + )r/w, en fonction de X = w,/k,. Donner l'expression
de Y en
fonction de X et tracer Y(X).
Modèle de fluide stratifié
La vitesse du son croît avec la température qui, dans le Soleil, augmente
lorsqu'on se rap-
proche du centre. Nous affinons maintenant la modélisation en prenant en compte
cette variation.
Nous notons c(2) la vitesse du son à l'altitude z, avec z < 0, qui décroît en fonction de z. On traite la propagation de l'onde dans l'approximation de "l'acoustique géométrique", qui est analogue à l'approximation de l'optique géométrique pour la propagation des ondes électromagnétiques. Dans cette approximation, l'onde acoustique est représentée par un rayon. On note k = (kx,k2) le vecteur d'onde en un point donné du rayon. On admet que k, est constant le long du rayon. 31. Écrire la relation de dispersion reliant w, kr, k.(2) et c(z), où nous notons k,(z) la composante verticale du vecteur d'onde à l'altitude 2. 32. On note 2 l'inclinaison du rayon par rapport à l'axe z. Exprimer sin? en fonction de k,, w et c(z). Quel est l'analogue de ce résultat en optique géométrique ? 33. On suppose que la vitesse du son croît indéfiniment lorsque z diminue. Montrer que le rayon ne peut descendre en dessous d'une altitude zmin, et écrire la relation entre C(zmin), w et kz. 34. On suppose que le rayon se réfléchit lorsqu'il atteint la surface du Soleil. Dessiner alors l'allure de la trajectoire d'un rayon partant d'un point quelconque de la surface du Soleil. 35. Dessiner, pour comparaison, l'allure de la trajectoire d'un rayon pour le modèle de fluide uniforme étudié plus haut. 36. On admet que les modes propres sont déterminés par la condition 0 | k,(z)dz = (n+a)r, (3) Zmin où n est un entier positif ou nul, et & une constante indépendante de n. Montrer que pour un fluide uniforme, cette condition est équivalente à celle obtenue à la question 28 pour une valeur de « qu'on précisera. La figure 3 représente les mesures de l'instrument MDI, où on a porté en abscisse w,/k; et en ordonnée (n + a)r/w,. La constante à a été ajustée à la valeur a = 1,45 qui permet que les points correspondant à des valeurs de n différentes se retrouvent approximativement sur la même courbe. 2500 2000 + RS - A a l 2, 1500 | ° - (=. E à E CA O p* & 1000 - 5 - re] [1 n=0 = 500 E Î n=l CI _ n=S 4 n=]10 A O0 l l | | | | | n=15 ° O 50 100 150 200 250 300 350 400 450 500 &./k, [kms !] FIGURE 3 -- Résultats des mesures de l'instrument MDI après 144 jours d'observation, pour quelques valeurs de n et de {. /Données fournies par Jorgen Christensen-Dalsgaard.] 37. À quelle condition deux ondes, caractérisées par leurs pulsations w et w', et leurs nombres d'onde horizontaux k, et k°., correspondent-elles à des rayons identiques ? 38. Montrer que l'équation (3) implique que tous les points de la figure 3 sont sur une courbe unique. 39. À quelles conditions sur { et n l'approximation géométrique, qui conduit à l'équation (3), est-elle pleinement justifiée ? * * *